Lundi 18 mai 2009 à 23:26

http://apfel.cowblog.fr/images/DSC06869pola.jpg


Demain matin, je m'en irai. Et personne ne pleurera, car personne ne se souviendra. Un dos, dans le levant, une ombre à peine esquissée, rampant dans le caniveau, sans un regard en arrière.
Et les rires résonneront toujours là-bas, dans la chambre délaissée, craquelée de souvenirs éparpillés et de vieilles photos humides. Une fine pluie sur le passé, un rayon de soleil sur les jours à venir.

Il ne restera pas grand-chose, non. Pas même assez de mélancolie pour pleurer. Juste un petit regret, au coin de l'oeil, hypothétique. Un peut-être, finalement rempli d'espoir. Car l'oubli est peur.
Et que j'aurais aimé que vous vous rappeliez.

Jeudi 14 mai 2009 à 22:28

Voilà la pluie. Accoudée à la Seine, entre ses bras séducteurs, je sens les gouttelettes murmurer, caresser, jalouser et frapper. Ce sont de longues cordes, maintenant, pendues au cou du ciel, attendant langoureusement les esprits perdus des passants étonnés. Averse soudaine, grise, émeraude, saphir, sur les pavés désordonnés d’une ville assoupie. On se réfugie sous un auvent, on s’enfuie sous une enseigne. Quelques cris, quelques bruits ; les talons dérapent, clac. Mais je reste à ses bras, fleuve-misère, tandis que les flots gonflent. J’observe les vagues qui m’emportent presque, l’écume aux yeux, et j’y pense.

Pluie orageuse, air lourd. L’ondée passagère est cette passion qui vous étreint un soir, au croisement entre une lèvre et un œil. Elle vous surprend, vous assaille, vous abat. Vous êtes à terre, vous débattant contre le sentiment, bataillant contre l’émotion. Etreintes et coups dans l’éphémère ; les cheveux emmêlés. La foudre tombe, fend les prétentions et offre les cœurs. Et pourtant, le tumulte éreinté s’apaise déjà, tandis que les corps enserrés se détachent. Croisement entre une lèvre et un œil, à nouveau. Mais déjà l’amour s’empoisonne et les langues s’enveniment. Le temps est au soleil ; l’âme est morose.

Les parapluies se referment. Les amants se tiennent par le bras, en jetant leurs cils soupçonneux au ciel. La Seine reflue lentement, entre mes jambes roidies ; le tonnerre s’éloigne. Il ne pleuvra plus. Et déjà je sens la querelle sur les trottoirs, entre les silhouettes alanguies des jeunes amoureux, qui se répand en venin, douce digitale ; aimera, aimera pas. Alors je redresse la tête, iris-nuage, et j’espère un orage prochain.

Mardi 5 mai 2009 à 23:09

Les projecteurs se sont jetés sur les ombres, dévorant les restes de rêves ; désormais, la nuit est froide, aux accents rauques de mitraillettes mal réglées. Les murs criblés de balles exposent leurs ventres déchirés, tandis que les entrailles de la ville s’en déversent. Voilà les corps, voilà les corps !

Mais il parait qu’il reste une femme, aux abords du fleuve, qui chante. Elle a l’épaule ronde, le cheveu de soie, l’œil amande-effilée. Quelques squelettes se rassembleraient encore auprès d’elle pour voir sa gorge fière se gonfler dans des chants aux inflexions lascives. Car la voilà qui chante l’amour, entre les décombres encore fumant des batailles, entre les ruines branlantes de la famine. Elle se lève, balance ses bras d’amante, ses bras de mère, ses bras de femme, oui, dans l’air contaminé de haine, enlace une silhouette, embrasse la pénombre, faisant tournoyer autour de ses cuisses nues les espoirs d’une génération condamnée.
Autour d’elle, les chairs tendres des bambins se parsèment encore de roses salées, tandis que les pleureuses s’avancent. Les jupons vermeils s’endeuillent, les poitrines s’affaissent. On se blottit contre les berges glacées du courant, contre le chant passionné de la Katerina, la Louise, la douce d’Amour, allégorie de cette illusoire espérance qui se dessine au cœur des guerres, alors que les saintes querelles déchirent les cœurs, arrachent les âmes, crucifient les peuples et que les tombes nouvelles appellent les troncs déracinés aux bras ballants, fraiches et souriantes.

Chante, chante, petit Amour aux formes voluptueuses, chante pour ces peaux distordues qui se pressent contre toi, chante pour ces regards vides, pour ces fantômes conscients, pour ses esquisses difformes, jusqu’à ce que la nuit tombe, avec ses enfers d’acier, entre les intuitions émoussées des guerriers trépassés. Chante, chante, jusqu’à la voix éraillée et le timbre asphyxié, pour que les songes renaissent entre les esprits égarés. Chante, chante, jusqu’au réveil de la vie, entre les décombres tièdes des rancunes fanées.


Le lys s’épanouit autour des tombes. Bientôt, les lilas se joindront aux rosiers, et l’histoire oubliera la mort. Ou presque.



Dimanche 3 mai 2009 à 17:25

Demain, c’est mon anniversaire. Dix-huit ans, ça se fête, il parait. Et pour cela, il y aura maman, Gabriel et Marie. Peut-être qu’oncle François viendra, avec les cousins. Il y aura des cadeaux, des sourires et des merci. On se serrera les mains en se disant que le temps passe vite. Mais là, sur le canapé du fond, il aura toujours un absent. Un éternel absent.

Parti il y a des années, le fantôme de mon enfance hante les jours marqués du calendrier. Il se promène dans le couloir, silencieusement, frôlant les souvenirs et les rêves. Il souffle quelques mots, lorsque l’obscurité tombe et que les poitrines des dormeurs s’affaissent.  Alors je redécouvre les larmes de déchirure et les baisers de réconciliation, les silhouettes qui se déplacent, s’enlacent, se griffent et se dévorent ; les rêves se tordent. Le parquet grince, la porte claque. Les cauchemars se succèdent, alors que l’ourson en peluche se verse la larme.

Demain, c’est mon anniversaire. Il me rappellera un peu plus que depuis toutes ces années, je suis seul. J’ai le cœur serré, mais je sais que ça n’y changera rien. Dans quelques heures, je serai majeur et je sais que le seul qui pourra encore m’aider, c’est moi. Alors je ferme les yeux, je verse la dernière larme et prononce le divorce. Le deuxième divorce.



Adieu, papa.

Samedi 2 mai 2009 à 15:12

Changement opéré. Nouvel habillage (Faner) dans la liste, un peu dans la même veine, mais avec quelque chose de plus léger, je dirais. Nous verrons bien si cela m'inspirera un peu plus.

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | Page suivante >>

Créer un podcast