Dimanche 1er juin 2008 à 20:18


Un monde sans pudeur ni morale. J'écoute les paroles d'une chanson qui me berce à coups de couteau, meurtrie. Mais ce que c'est bon, parfois, d'aller mal. De se laisser aller à la mélodie plaintive de l'amour saccagé et de la confiance désavouée. Ce que c'est bon de glisser dans la haine assoiffée et la douleur des heures assassinées. Distancée, voilà ce que je suis, par ton cœur refroidi. Tu es parti, alors que le crépuscule de l'aube sanguinolente s'abattait sur ma vie froissée. Rien. Il ne reste rien. Disparu, dans le dernier rayon de vie, alors que les lys fanaient doucement dans un vase d'insanités. Et je suis presque brisée, là, sur le bord de ce lit encore chaud de tes sentiments faussés. Presque.
Tu es parti, mais un jour, je m'en remettrai. J'offrirai cette âme angoissée à un autre prince artificiellement charmant, je m'abandonnerai à la caresse des promesses violées, et à nouveau je me détruirai sur mes propres cauchemars. Ceci est un cercle vicieux dans lequel je me complais, car j'y trouve l'amour falsifié me permettant d'exister quelques secondes dans ce monde qui n'est pas mien. Distancée j'ai été, mais peut-être est-ce toi, le plus trompé, finalement ? Trompé de n'avoir étreint qu'un corps plutôt qu'un être, d'avoir profité de la chair plus que de l'âme, de n'avoir souillé que de la peau et non les tréfonds d'une entité. Qu'en dis-tu ? Qu'en dites-vous, mes amants charnels, sensuels, temporels ?
Alors je vous laisse mes lèvres, pour que vous y buviez la prétention et l'érotisme dont vous avez tant besoin. Je vous abandonne mes bras pour que vous y soyez toujours plus fort, dans votre carapace de fierté dérisoire. Je vous exhibe mes jambes pour que vous y trouviez la moindre arrogance. Soit. C'est un accord que nous passerons, tacite et éternel. Ma sensualité contre votre indifférence, votre fierté contre ma liberté.

Ainsi soit-il.

Mardi 13 mai 2008 à 15:47

Nuit estivale. L'air doux est fruitée, comme une douce mélopée syncopée. L'herbe frissonne, les parfums foisonnent, et ta silhouette pâle s'endort sur les pétales des roses froissées.
Eléa, mon amour. Tes lèvres soupirent encore le cœur palpitant de la vie, comme une promesse sucrée. Je suis à ton chevet, belle dame, alors que tes yeux se ferment doucement. Tes fines mains caressent les miennes, tendresse feutrée. Un ange aux ailes repliés, muet dans l'éternité d'un instant.

La mort.

Eléa, ma douce damnation. Mes doigts courent sur ton sein teinté de rouge, alors que je range ma dague. Ta longue robe chatoyante s'empoisse de cette vie qui te quitte, volant à tes joues leur rose tendre. Mes mains ne tremblent plus, mon cœur s'est éteint. Par ta disparition, la mienne. Je n'ai existé que par cette convoitise impossible, par ce trésor intouchable, alors que chaque seconde d'existence propre m'était ôtée. Je ne regrette rien, souriante Eléa, si ce n'est le miel de tes mots à mon oreille. J'aurais tout donné, Eléa pour que nous soyons heureux, mais les gouttes pourpres qui ruissellent silencieusement de ta gorge blanche ne mentent pas. Nous ne pouvions pas. Et plutôt que de t'offrir en pâture à la sauvagerie brusque d'un autre, ma délivrance contre ta peau. Nous aurions dû tout quitter, douce, avant que le cœur froid de la guerre ne nous emporte, que les murs ne se brisent et que les os craquent. Tous morts, Eléa, tous. Et ton corps qui aurait flétri dans une chambre souillée. Jamais.
De cette main, oui, je t'offre l'exil d'une fin apaisée.

Eléa, mon amour.
Eléa, ma chère.
Eléa, ma sœur.


La dague glisse à nouveau contre la peau tachée de sang. Un dernier soupir, tandis que les lys fanent sur les corps immobiles.

Mercredi 7 mai 2008 à 17:26


Let me die, silently,
In the sweet darkness of the warm night.
Let me quit this heavy body, free my hurt soul,
Escape this cold reality and this emotionless world.


Les mots n'ont de valeur que lorsqu'ils sont ressentis. Ce n'est qu'une abstraction de plus dans notre monde d'apparence. Les mots blessent en profondeur, même lancés de la plus légère manière. C'est chose étrange que de voir les mots d'amour vous transpercer de part en part. Lances et masses d'armes, s'enfonçant dans la chair, broyant os et existence. Et pourtant cette force brute n'est d'aucune utilité contre les agressions vocabulaires qui vous assaillent et vous détruisent lentement. Il ne reste qu'à mourir, dans le silence sanguinolent des adverbes pourfendus. Conjugaison imparfaite, passé-composé remanié. Je dirai plutôt passé simple: action achevée, datée. Jetons les dernières épées imprégnées de sentiments empoisonnés, ce n'est rien de plus qu'un jeu de guerre puéril, à recommencer à l'infini.


Silence.
That all I ask for.
Some wordless moments.


Cela n'a aucun sens, vous savez. Les mots, cette invention grotesque de la race humaine, condescendance suprême. Parler, avec ces phrases montées avec panache, sans jamais rien en penser. La langue comme hypocrisie dernière, se fendant de sourires écœurants, fiel répugnant de votre égocentrisme dévorant. Taisez-vous donc, plutôt que de lancer à l'aveuglette ces expressions qui n'ont aucun sens. Taisez-vous et goûtez la rare sincérité des silences réfléchis. Ne soyez donc pas si empressés de répandre vos non-sens éhontés. Silence, j'ai dit.


And I may request some explanation.
I even may demand those dirty and raped answers,
Because you broke all the promises you had shamefully howled.


Oh oui, laissez toute cette solitude grammaticale vous envahir, et cessez de nous importuner, de vos lèvres folles, qui se pressent contre nos esprits lassés. Ne dites plus rien. Cela suffit, désormais. Et le jour où nous nous comprendrons sans ces idioties, alors peut-être que oui, nous pourrons reprendre discussion. Mais nous voilà fatigués. Assez de ces jetés de dés hasardeux qui vous font rencontrer les pires charlatans. Fermer les yeux et se taire. Ou apprendre à votre âme un langage particulier que vous seriez seul à comprendre, afin que personne d'autre ne puisse venir vous importuner. Laissez les parler à leur guise, et dégustez le plaisir de cet égoïsme protecteur.


And I could throw up all those disgusting lies you told me.
Or I could try to believe your obscure fantasies again.
I certainly should forget all those obscene inventions.
But I won't.


Voilà pourquoi j'aimerais rencontrer un parfait inconnu, ne pouvant comprendre ces élucubrations francisées que je débite sans cesse, et qui ne lirait mes intentions que dans mon regard. Voyez ?

Jeudi 1er mai 2008 à 0:28

Ruines. Boue. Fange.

Il n'y a plus grand chose, par ici, autre que les décombres encore fumant d'une guerre qui n'en finit pas. Rompus, ils sont tous rompus, devant des ombres meurtries sous un ciel de plomb, pliant sous le poids invisible de cette boucherie insoutenable. Des cadavres traînent parfois encore sous les ponts qui cèdent, cherchant désespérément un peu de cet air qui ne leur est plus nécessaire. Les enfants courent, presque nus, dans cette froidure infestée, à la recherche de compagnons de jeu désormais muets.
Que reste-t-il de ces hautes tours finement ciselées ? Rien que l'amer souvenir des vagues de soldats qui déferlent sous l'écume d'obus. Résistent quelques baïonnettes sous les avances orangées de la rouille humide. Les casques roulent entre les pieds des bambins affamés, et les vestes tachées de sang se gorgent d'eau dans les lavoirs grinçants. Quelques femmes retroussent leurs manches froissées et nettoient laborieusement les traces indélébiles laissées par les corps abattus.
Quel gâchis ! Les hommes se sont battus, puis se sont tus, leurs armes encore vibrantes au poing. Indéfectible vengeance jamais assouvie qui se solde par ces milliers de cadavres putrides qui fleurissent au printemps, entre les soucis et les muguets. Il règne alors un parfum de misère, se mêlant à la lourde odeur des sueurs refroidies. Il n'y a plus de bras vigoureux dans les champs dévastés, soulevant foin et blé, sous un soleil chavirant. L'eau et les empreintes à demi effacées des bottes trouées s'y substituent tristement, alors que les voiles noirs drapent peu à peu les visages émaciés. Plus un rire, plus un espoir. La mort est tombée, dernier couperet.


Et pourtant, dans toute cette rage accumulée et ces peines endiablées, Wladek. Wladek, tes yeux de velours sur ma peau de dentelle, alors que tous les autres s'échinent à vouloir mourir à leur tour. Nous sommes perdus dans l'immensité d'un rêve qui ne devrait pas nous appartenir et qui pourtant nous porte. Nous sommes pris, et personne ne le comprend. Ils enterrent et se déterrent, portant leurs regards froids sur ces longues étendues grisonnantes de tombeaux. Ô, Wladek, nos corps qui se frôlent, frissonnant sensuellement de cette passion qui partout s'est éteinte, rendant nos chairs toujours plus attirantes et nos regards plus brûlants. Nous apportons à cette terre déchue toute la vigueur qui lui manque, tant elle est gonflée de carcasses roidies. Mais nous aimerons. Nous aimerons jusqu'aux confins de la nuit pour éveiller à nouveau cette douce folie, brûlée sur l'autel de la haine. Nous aimerons, jusqu'à ce que nos corps se détachent l'un de l'autre et que nos cœurs cessent cette langoureuse musique qu'est celle de la vie. Nous aimerons, nous aimerons.

Et nous ressusciterons.

Jeudi 24 avril 2008 à 1:03

Amour-passion; mort-érosion. C'est un jeu morbide mais excitant qui nous tient en haleine. Celui du tour de passe-passe entre désir et néant.


Boris, ton corps contre le mien. Je sens le souffle chaud de ton existence contre mon cœur meurtri. Je chavire d'amour. Tes mains ont dénoué lentement les nœuds de mon appréhension, alors que la nuit fuyait à l'aube blafarde. Boris, ton parfum prédateur sur ma peau oubliée, qui me rappelle doucement que oui, je suis. Mais Boris, déjà tu m'échappes, criblé de balles ennemies, alors que ton dernier baiser résonne encore contre ma joue. Tu as cessé d'être, sur le champ de bataille, embourbé dans cette gadoue minée, sans me laisser le moindre espoir de survie.
Et pourtant.

Gregor, ton charme naissant dans mon regard velours. Je te souris, un peu amère, mais tu sais bien, pour Boris, et tu m'offres ta patience. Gregor, tes bras, ton regard, tes mots. Je ne suis plus sensuelle, habituelle, simplement ravagée de chagrin. Tes silences sont exutoire et ta présence espoir. Je n'ai pas encore succombé, il reste une lueur, au loin. Gregor, dans ton bonheur silencieux, ma renaissance. Mais Gregor, déjà tu halètes, dans ce lit noir. Tu souffles, tu gémis, tu cris. Puis tu te tais. La sueur recouvre ton front, ainsi que les noirs bubons. Dans la souffrance sordide de la maladie, tu me quittes. Noirs horizons.
Et pourtant.

Piotr, tes yeux de braises, ton cœur de cendres. Tout contre ton âme, j'ai trouvé le repos. Mots de velours, ponctuation de satin, chaque instant est alexandrin, sonnet. Nous sommes heureux, Piotr, ma main dans la tienne. Il ne nous reste guère qu'une commune douleur, mais elle s'atténue dans nos complicités implicites. Piotr, amant de secrets, comme si rien ne devait jamais finir. Mais Piotr, mon souffle est court, mes mains tremblent. La ride court de mon front à mon frêle sourire. Me voilà qui m'enfonce peu à peu dans le bienfait d'un sommeil sans lendemain.
Et pourtant.


Boris, Gregor, Piotr. Amours perdus. La mort vous guettent, amants furtifs, comme elle a brisé mes pas. L'Eternité est un mensonge glacé, mais peut-être faut-il simplement apprendre à La déjouer ?
Piotr, et pourtant. Mais qui nous en dira la fin, à présent ?


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Mon plus bel amant, sûrement en Boris et son enchantement néologique. Boris, vous savez, avec un V...

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