Vendredi 20 juin 2008 à 11:45

NB: Décision prise de décomposer la masse informe qu'était mon blog pour créer des catégories de textes. Les tableaux vous décrivent les sensations vocabulaires de l'imagination, les livres vous racontent une histoire, et les jeux vous feront sourire. Et ceci est un jeu.

Ecoute, je comprends que tu en aies eu envie, mais là, tout de même. Et puis ce n'est pas franchement délicat de ta part de m'avoir choisie. Eh ben oui, tu ne fais que me rappeler que je suis une vieille fille d'une quarantaine d'années, toujours seule, n'intéressant personne. Bah, je ne t'en veux pas pour ça. Après tout, tu n'es pas le seul à me le faire remarquer. Mais tout de même, il y a des limites. Je ne parle pas que pour moi, vois-tu, mais aussi du fait que voilà, j'ai un certain âge, maintenant, et que ce n'est pas conseillé de tomber enceinte passé quarante ans. Entre les malformations, les risques pour moi,… Tu me suis ? Oui ? Je pensais que tu étais au courant, monsieur je-sais-tout, mais on dirait pas. Cet enfant, là, au fond de mon ventre, ce n'est pas le moment. Je suis trop âgée. J'ai déjà passé la crise, tu sais, celle qui te fait dire que tu n'es plus bonne à rien et que t'es vieille comme jamais. Passé, le début des rides. Et puis je ne suis plus intéressée par les vergetures post-accouchement. Mais non, tu n'en as fait qu'à ta tête. Et maintenant quoi ? Maintenant je suis enceinte. Espèce d'égoïste, doublé d'un lâche. Pourquoi ? Parce que maintenant qu'il est là, le petit, ben tu t'es barré. Comme tous ces hommes, d'ailleurs. Les statistiques le montrent, de plus en plus de femmes sont abandonnées par leur conjoint lorsqu'elles tombent enceintes. C'est aberrant. C'est dégueulasse. Et tu sais, c'est par parce que tu te sens supérieur à tous et que tu es idolâtré qu'il faut croire qu'on te pardonnera toujours tout. La preuve, je t'en voudrai. Voilà, c'est dit. Et je m'en fiche pas mal des « Chut, arrête, il t'entend ! » parce que je sais bien que tu n'écoutes que ce qui t'arrange. Ca fait des siècles que c'est comme ça, tu ne peux pas le nier. Tu lances un petit signe, de temps en temps, histoire qu'on ne t'oublie pas et que les gens continuent d'avoir des espoirs décrépis, et puis tu disparais. Moi, j'ai rien demandé. Je demandais qu'à m'enfoncer dans ma vieillesse solitaire, tranquillement, parce que passé cette période, ben tu te fais une raison. Mais non, fallait que tu t'en mêles. C'est fou ça ! En plus, ça va être toute une histoire. Ca va remettre au goût du jour la vieille querelle toujours pas entérinée du « Ce fils est LE légitime, les vôtres sont des bâtards ! ». Après tout, c'est ça, de faire des enfants un peu partout. Au moins quatre ou cinq femmes officielles, sans parler des pseudo-amourettes sur le bord d'une route. Peuh. Et maintenant, qu'est-ce que ça va être ? Le bordel. La haine. La guerre. Des morts par milliers, aussi. Mais ça, tu t'en fous. Parce qu'après tous, les hommes, c'est comme tout autre troupeau, de temps en temps, il faut épurer un peu pour que ça prolifère pas trop. Bien joué.

Je m'appelle Marie, j'ai la quarantaine. Je suis vierge et pourtant enceinte. Je n'ai jamais rien demandé, mais Dieu trouve qu'il faut un nouveau messie, parce qu'il s'ennuie, de là-haut, depuis qu'entre catholiques et juifs on a fait la paix. Ou presque. Sauf que de son trône doré, il avait oublié l'invention merveilleuse de ce siècle béni : l'avortement. Eh ouais, il n'avait pas prévu ça.



Lundi 26 novembre 2007 à 19:59

Pour faire plaisir à une certaine demoiselle qui m'a fait sourire, en cette froide soirée. Il s'agit d'un concours. On ne le fait pas pour gagner, non, mais pour tenter de se prouver qu'on sait encore faire quelque chose de soi. Ce n'est pas dit, mais qu'importe.


Je suis juste assis, sur le rebord de la chaise. Elle est rouge, vernie. Mais ça s'écaille, comme le fond de mon cœur.


Tu sais, tu as le bord de ton visage qui penche vers l'infini de l'inconnu. Très certainement qu'il y a quelque chose de céleste en tes quelques mouvements. La grâce de l'infinitude d'une âme trop pure. Quelques gouttes de rosée tachent ton visage d'un nacré sacré, et je me noie dans tes yeux-mer qui contemplent les vestiges de mon être. Mon amour, je t'aime.
La nuit est tombée. Tes mains, douces et fragiles, s'agrippent à ma carcasse déjà abandonnée. Tu t'y caches, sans savoir ce que tu fuies. Comme toujours, peut-être. Il y a un cri qui s'étiole, dans ma gorge sèche. Tes doigts me brûlent, dans leur indicible fraîcheur. Ton sourire me consume, alors qu'il coule, sucré, sur ma peau tirée. Tu ne sais pas, toi. Non, tu ne sais rien. Mon amour, je t'aime.
Il y a tes cheveux odorants qui caressent mon épaule brisée. Ils glissent, silencieux, autour de mon cou, et m'étranglent. Leur parfum évasif m'enveloppe, m'enserre et m'asphyxie. Ce n'est qu'un jeu, pour eux, que tu ne peux pas voir et que je subis. Tu es trop innocente, mon ange, pour comprendre. Et mon amour, je t'aime.
Il aurait fallu que je t'avoue. Que je t'avoue tout. J'aurais dû, il y a quelques heures, quand tes mains étaient posées sur mes joues craquelées. Mais je n'ai pas pu. J'ai seulement laissé ta voix, candeur sucrée, me porter sur les rivages insoupçonnés de la culpabilité. J'ai abandonné tous les restes de ma dignité à la force destructrice de tes mots, naïfs et légers. J'ai succombé aux attraits délicieux du mensonge inavoué. Je ne suis plus rien, désormais, qu'un cauchemar à demi voilé, et je ne le supporte plus. Mon amour, oui, je t'aime.
Alors je pose ces quelques mots, ce soir, alors que tes effluves irisées continuent de s'étendre dans cette chambre confinée. Je revois ta silhouette dansante, au soleil couchant, alors que ton rire cristallin s'élevait encore. C'était une cascade, murmure chatoyant, dans l'air vibrant de cet amour sali. Une fleur, lys parfumé, à ta chevelure enlacée, sur les rebords d'un monde trépassé. Tu dansais, oui, sur les notes égrainés de ce qui te semblait être bonheur, mais il manque quelques pieds, et la valse est bancale. Il ne reste qu'un temps binaire, et je trébuche sur les croches abattues. Tu t'en vas, tout là-bas, et je sais que tu ne reviendras pas. Mon amour, ce que je t'aime.
Je ne suis qu'un pauvre homme. J'ai délaissé à cette pulsion glacée le soin de nous éradiquer. Je n'étais pas prêt. Tes quelques phrases s'effacent doucement devant mes yeux hagards, et ma main tremble. Il faut que tu saches, mon Autre, que je ne suis plus. J'ai disparu. Nos souvenirs sont troubles, et mon cœur n'est qu'un amas de peines perdues. Je ne suis plus, non. Je me suis désagrégé au moment même où la réalité s'est imposée. Mon amour, aucun soupçon, je t'aime.
Il est temps. Je sais que tes yeux se voilent déjà. Ton sourire tendresse porte le deuil, et mon âme se flétrit. J'aurais aimé te tenir dans mes bras, contre ce cœur qui n'en peut plus d'être si passionné. Mais je n'en ai plus le droit. Je n'ai offert à ton amour ineffable que la faiblesse de mon corps obstiné. Je n'ai pas pu résisté, alors même que ton nom résonnait. J'ai posé mes lèvres sur la chair moite et inconnue d'une autre. Oui. J'ai fait défaut, j'ai fait dégoût. J'ai fait tromperie. Ah, mon amour, comme je t'aime.
Je n'ai plus le moindre désir à assouvir. Sauf peut-être celui de n'avoir jamais été celui que tu redoutais. Tu avais posé, délicate muse, tous tes espoirs délectables sur mon instabilité flagrante. Et pourtant. Et pourtant. Ah, quel imbécile. Tu étais pourtant tout ce qu'il y avait à espérer, oui. Tu étais la perfection dénudée d'un être adoré. Et moi… Je n'ai pas su. Je n'ai pas su être comme tu l'aurais souhaité. J'ai failli. Il n'y a aucun pardon à recevoir. Juste l'impossible vie à mener. Et moi, je me meurs, doucement.


Mon amour. Jamais, non, jamais je n'aurai cessé de t'aimer.



[Et le concours est ici.]


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