Les haleines tièdes se mêlent, rubans argentés d'une brume engourdie, dans les profondes noirceurs du temps. Elle se serait presque endormi, transie de froid dans ses fines jupes, alors que les secondes défilaient en la narguant. Ce n'était qu'une sorte de songe sans fin qu'elle observait dans le miroir trouble de la vie, une route à tracer, alors même que ses jambes s'avancent dans l'inconnu gelé d'une destiné contre-indiquée. Alors ses yeux s'ouvrent grand sur le vide insensé de son existence, ses longs cils battant son regard absent. Un concerto sans concertation, syncope brisée et triolet de noires, tête tournante et mains moites. Mais il ne faut pas trembler. Non. Il faut être fort. Fort. Ce n'est qu'une expression sans fondement, une sorte d'image à calquer, dans un coin de sa conscience. Etre fort, et n'être que ce qu'on vous demande d'être. Sourire, alors même que les larmes se bousculent sous le pont de vos sentiments et que la rage bout dans les bas-fonds de vos entrailles. Etre fort, une idiotie à tenir pour vraie. Alors les dents se serrent dans un gémissement imperceptible. Les doigts s'entrecroisent et se griffent, frémissement froissé. C'est une habitude à prendre. Etre dans l'absurdité des conventions, alors même que toute raison nous échappe. Vivre hors d'un monde ordonné, dans une sorte de rêve éveillé, entre peur et chaleur. Ce n'est pas une vie, peut-être. Une étincelle éphémère dans la froidure grandissante. L'aube s'approche, à pas feutrés, apportant avec elle la crainte d'un nouveau jour. L'air se glace et ses sens sont en feu. La robe s'est prise dans la neige nouvelle. Le cœur s'est fêlé.
Une brûlure. Voilà une comparaison bien frêle, par rapport à ces sentiments qui se bousculent. Quelques notes de musique s'égrainent dans l'atmosphère lourde, pour s'abattre avec fracas sur le sol givré. Elles parlent de soleil, faible rayon d'un espoir bientôt évaporé. Les ailes des anges laissent flotter quelques plumes fanées, dans un léger parfum de lys blanc, alors que les roses rouges ont éclos, laissant leurs pétales glisser sur les peines à panser. Il y a des mots qui disparaissent, dans le lointain. Ceux qui s'oublient sur les routes effacées. Et pourtant. Une feuille craquelée, à l'encre bleue délavée, qui virevolte contre son cœur palpitant. Battement incessant. Le regard se perd à l'horizon chatoyant. L'indicible heure profile ses délicates parures. Le corps s'emplit d'une lueur irréelle, coupe de promesses sacrées aux reflets nacrés. Le réceptacle est infini, tant que les paroles résonnent sans jamais se rompre.
L'aube a étalé ses jupons dorés. Elle s'endort enfin, dans la larme rosée des secondes oubliées. L'éternel ouvre un œil, et veille sur son corps abandonné. Silence et communion.
Quelques mots, sur une feuille jaunie par le temps qui fane. Quelques souvenirs, sur quelques lignes inavouées. Quelques instants, dans l'infinitude du serment. Et ces quelques lettres qui se gravent dans la chair et l'esprit. Entre être et âme. Entre homme et femme. Entre elle et son entité. Aimer.
Ne cherche pas à te dissimuler viens on repart en arrière et tu fonds en larmes dans mes bras, viens, on s'en va, on part là où il n'y a rien en suspend, que des machin par terre qu'on peut écraser, tant qu'il ne s'agit pas de playmobils. Tu me manques, toi et ta sincérité. Je refuse que tu fasses semblant.
J'ai besoin de tes énormes lettres. Celles qui dépassent de partout, qui s'étalent autant qu'elles le peuvent. Il suffirait de fouiller dans un tiroir au fond, et retrouver cette brulure. Je ne connais pas d'anges. Rien que des humains, moi.
C'est n'importe quoi, rien n'a aucun sens. Je me perds, m'embrouille. Désolée, puce.