Etre, ou ne pas être. Shakespeare et son éternelle question, entre romances et soupirs. L'auteur s'est tu, dans sa tombe de marbre, et s'est endormi entre les notes tumultueuses d'un fougueux Italien, entre cordes et vent. Une pédale qu'on appuie, alors que l'archet s'envole, contrepoids - plume. Un torrent, lorsqu'on mêle les jeux avec Chopin. C'est une partie de hasard qui s'accorde avec grâce. Soyons fou, partons à l'aventure des gammes perdues.
Les questions. Celles qui planent, légères et éphémères, dans un ciel trop limpide. Un soupçon d'aquarelle pour éblouir la scène, et le sol tremble. Tourbillon, et décadence. L'esprit se tord et se mord, c'est une douce punition. Ou presque. Un semblant de délice, dans la fraîcheur tardive. La pluie se met à couler, au compte goutte, et mes mots n'ont plus de sens. Ils dansent entre les flaques, dessinant d'obscurs projets dans la boue. Je les observe en souriant. Qu'ils s'amusent un peu, en me montrant le chemin à suivre. La route à continuer. Les idées se forment en ma tête. Elles s'organisent en parcelles de cohérence fragile. Un parfum de lys blanc m'envahit, tel une compresse rafraîchissante sur le front des malades. Lys et roses, apparemment. Apaisement tout relatif. Odieuse façade. Trompeuse escapade. Je m'en contenterai, cette fois-ci. Vous les voyez, mes petits bouts qui dansent, qui dansent, perdant leurs guillemets et leurs virgules ? C'est une salsa, ce soir. Une salsa arrogante et démente, qui les fait se tordre et se détendre. Ils rebondissent, sans cadence, sans rythme, et pourtant se complètent. Je ne suis que spectatrice de mes élucubrations sans fin. C'est drôle, vous savez, de se voir ainsi réfléchir. Réfléchir. Quel mot étrange, d'ailleurs. M'enfin, c'est un mot, justement. Mot et concept, concept et mot. Le monde ne tourne pas rond, quelle expression ! Conceptuel, et mes mains me font souffrir. Je gratte le sol, pour récupérer l'ami Conscience qui tente de s'évader par les souterrains. Il est vicieux, à vrai dire, mais je finirai par le rattraper. Je pense. J'espère. Un jour. En attendant, j'ai de la terre sous les ongles, et mes doigts rougis se font douloureux. Dans mon effort, je vois les mots qui se volatilisent, transparents fantômes de mon monde perdu. Ah, lorsque la concentration vous quitte et que vos sens reprennent le dessus, vos raisonnements se perdent. Quel gâchis, moi qui voulais prendre quelques clichés brumeux. Une autre fois, peut-être. Les mains dans les poches, je me retourne. L'aube se lève. C'est un blanc laiteux sur une morne plaine. Quelque chose de triste, peut-être, dans l'émerveillement de l'heure indicible. Mes yeux se posent sur la ligne brisée de l'horizon fatigué. Nouvellement.
Je suis entourée de rêves. Mes rêves flottent entre les arpèges et les accords brisés. Ces accords même sont entourés de rimes entrecroisées. Je suis prise dans l'engrenage de la perplexité, et mon cœur se soulève. La mer m'enrobe dans sa cape d'azur, et je suis [presque] vivante. La marée me porte, et je suis à la dérive, entre Sarasate et Lalo. Soyons francs, la Russie me berce en son sein, et je suis reine des illusions. Mon corps s'agite, dans une rythmique endiablée, et les bariolages s'enchaînent. Je suis liée au destin de cette funeste symphonie, comblée par l'anxiété troublée d'un compositeur persécuté. Ah, âme déchirée, je te suivrai jusque dans les hauteurs vertigineuses et les bas-fonds enflammés de ton esprit torturé. Offerte.
Tchaïkovski, 4ème symphonie en Fa mineur, opus 36, si je puis me permettre.
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