Il y a un masque sans expression, posé sur la table. Doucement craquelé, les joues blanches et les lèvres rouges, il dort. Sous son œil de vide coule une larme de suie, noirâtre. Elle se perd sur un menton fuyant et dans un cou inexistant. Quelques gouttes d'eau ont fait éclater le verni terni, et le bois se fend. Le front n'est plus qu'un ramassis d'éclats coupants, alors que l'arrête du nez est brisée. Quelques vêtements de scène traînent, de ci de là. Des chemises de satin, des pourpoints de velours. Quelques épées rouillées et des broches piétinées. La poussière a envahi l'estrade, le silence en a fait sa patrie. Il n'y a plus âme qui vive, ou presque. Il ne reste que ce masque abîmé par le temps et l'usage. Il respire encore, difficilement, en attendant le prochain spectacle. Ses cils battent, imperceptible, et ses lèvres entrouvertes laissent passer un léger souffle. Entre les fauteuils dorés et les vestes retournées, la figure sommeille, rêvant d'héroïsme et de passion. Quelques feuilles volètent, à côté de la fenêtre entrebâillée. Des tracts, certainement, pour quelque spectacle, alors que les lumières éclairaient les grandes enjambées et les envolées lyriques, que les applaudissements claquaient dans l'air confiné de la salle. Quelques roses volaient, rouges ou blanches, entre les rayons immaculés, sur les tuniques mordorées et les robes pourpres. Et le masque soupire, sous les lourdes tentures, écrasé par le temps qui s'écoule. Sa bouche se tord, ses paupières se plissent. Le vermeil fane, la neige fond. Il ne reste plus que la craquelure, en faut du front, jusqu'à l'arrête, et ces quelques tractes qui claquent au vent.
Je ne sais plus écrire, je crois.
Tu sais plus qu'écrire.