Vendredi 7 septembre 2007 à 21:39

C'est dans mon verre que je me bois.

Il y a comme un parfum Apollinaire dans l'air. Une ritournelle qui ne s'arrête que pour observer les passants éberlués. Assis à une table, mon poète maudit ressasse ses idées noires, en sombrant dans l'anonymat des pauvres. Il sirote son ambre, sans conviction, la jambe au fût, le bras au tronc. C'est un être étrange que mon ami joli qui se croit maître du monde, de son verre ébréché, de son air éméché. La flammèche se tord et se cambre, alors qu'il la suit, hagard, s'enfuir dans une brume éthérée. Ô oui, il est beau mon compagnon éploré, sur sa table grasse affalé, regardant passer les demoiselles effarées et les damoiseaux égarés. C'est une danse, oui. Une sorte de polka où les pieds fous se renversent, emmenant avec eux les têtes fragiles des cous brisés.

C'est dans mon verre que je me vois.

Apollinaire s'est couché, Zola s'est relevé. Une tombe ouverte sur un monde à découvrir, peut-être. La mort n'est qu'une étape, qu'un passage obligatoire dans une vie trop courte. Ou trop longue. Sartre me glisse quelques mots, au passage. Comme quoi l'Enfer, c'est les Autres. Ah, copain de route de ton livre effeuillé que la sagesse folle accompagnait dans ses errances nocturnes. C'est un sourire que tu m'offres, comme une escapade volée. Je marche dans tes pas, tentant de retrouver tes paroles envolées. Papier engorgé, plume débordée, tes mots tanguent et s'enchevêtrent sans se rejoindre. Quelle parade insolite, me diras-tu. Je ne t'ai pas terminé. Tu n'es qu'une ébauche, tout comme mon écrivain damné d'un paragraphe inachevé, qui se mirait dans les yeux des filles entichées. Un jour, peut-être, un point final au bout d'une sinueuse ligne. Mais ce soir, complice abandonné, je te laisse à ton triste sort, celui de te faire décortiquer, encore et encore, par ces écervelés.

Et c'est dans mon verre que je me noie.

Ah, je l'avais oublié, de ce fait, mon monsieur Z. Celui qui zèbre, oui, entre l'absinthe et la prune. Un fond troublé qui se fond au palet. Redondance. L'eau est d'or, et c'est une rarissime denrée qui te fait délirer. Délier. Je ne sais. Ta main est tombée du bois crasseux, et tes doigts tracent des cercles circonflexes avec les charbons complexes d'un feu éteint. Celui de ton cœur lassé, peut-être, qui sait ? Peut-être un contemporain te rejoindra-t-il, dans la cour des miracles, sans t'offrir cette liqueur salvatrice. Tout n'est que mélange, car tes pensées se tournent vers  un tout autre. Non, je ne te parle pas de celui-là, mais très certainement d'un autre. Un escalier tortueux, dans une montée démoniaque vers la déchéance abîme. Chemin entrecroisé de routes écartées, dans un dédale sans raison. Je vous l'accorde, c'est sans issue. Mais peut-être est-ce ainsi, au fond de ce verre sale, emplit de feu sans ardeur. Une sorte d'illusion. Celle de votre vie, mes amis, dans le reflet tremblotant de cette vérité amoindrie. Un Mentir-Vrai, peut-être, pour ne plus citer. A. A. B. H. S. Z. Ce ne sont que des lettres, celles que l'on vous attribue. Attribut. Tel celui du sujet, assurément. Ne m'en voulez donc pas. Je m'en reviens à vous, docile. Mais vous êtes à ma merci, entre les larmes noires des écrits vandalisés.

Et rire, jusqu'à plus soif. Plus faim. Plus envie. Au clair de lune, les auteurs me font révérence et les poètes maudits m'enveloppent de leur cape sombre. Je suis d'eux, sans jamais les frôler. Exaspération.




Post scriptum :

Garcin

« Le bronze… (Il le caresse.) Eh bien, voici le moment. Le bronze est là, je le contemple et je comprends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était prévu. Ils avaient prévu que je me tiendrais devant cette cheminée, pressant ma main sur ce bronze, avec tous ces regards sur moi. Tous ces regards qui me mangent… (Il se retourne brusquement.) Ha ! vous n'êtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. (Il rit.) Alors, c'est ça l'enfer. Je n'aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril… Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres. »

Jean-Paul Sartre, Huit clos.


Même si nous n'en avons peut-être pas le droit, ou l'autorisation.
(Notions à étudier.)


Par Sardine le Vendredi 7 septembre 2007 à 23:14
Je ne sais plus quoi dire.

Je viens de lire un article magistralement bien foutu, et, quitte à passer pour une piètre inculte (les références, s'il y en, ne me reviennent pas), je veux en avoir le coeur net : c'est TOI qui a écrit tout ça, ou tu as tiré des extraits de l'oeuvre de certains auteurs ?

Je pense, et j'espère sincèrement que c'est de ta plume.
Je te tire mon chapeau (et bien bas), ton talent m'éblouie...


Au plaisir.
Par droit-aux-larmes le Samedi 8 septembre 2007 à 13:51
Comme tu le sais nous essayons d'avoir un ptit botu seb et moi. Et je suis à 15jours de retard de règles, alors j'ai fait un test hier, négatif. Mais je uis persuadée qu'un ptit bout a fait son nid dans mon bidou,qu'il veut simplement se faire discret. Alors pour être sure, j'attends le 11/12 septembre pour faire un PDS (prise de sang), ainsi je saurais si c'est un futur petit coquin qui s'est blottie en moi, ou si c'est mon corps qui me joue des tours.

Chacun ressent cet instant oùil se sent pret à venir parents. Moi il se trouve que c'est à 19ans, et ça choque certain. Ainsi soit il.

Nous sommes très impatient seb et moi de savoir enfin la vérité.

Je t'embrasse,
Marion

Par ciel-contre-nuage le Samedi 8 septembre 2007 à 20:38
tu m'impressionnes toujours, tes textes sont de plus en plus expressifs, u réinvente les mots. Même Sartre et Zola n'ont pas la même signification entre tes mots.
Par exoendo le Dimanche 9 septembre 2007 à 20:01
Des mots toujours aussi bien entrelacés qui donnent cette magie à celui ou celle qui les lit...Tu allies savoir faire et une redondance de vocabulaire qui m'épate à chaque fois,et c'est ainsi que tu me surprends,et que j'aime à te lire,que tu me donnes cette magie,et juste pour cela je t'en remercie!
Je suis émerveillé de voir tant de charisme dans une aussi jeune,mais aussi charmante fille que toi,et c'est toujours un plaisir de partager quelques discussions en ta compagnie...Vraiment un plaisir!
Un gros Bisou pour une fille vraiment super :-)
Par MavangElle le Dimanche 9 septembre 2007 à 22:34
Ce nom me disait quelque chose et je comprends mieux pourquoi à présent. Je suis déjà venue chez toi, et c'est avec plaisir que je renouvelle l'expérience. Ton style ne change pas, tes mots non plus. Mes yeux sont un peu trop brouillés pour les lire mais je ne manquerai pas de revenir pour les découvrir.
Au plaisir.
Par Creme le Lundi 10 septembre 2007 à 19:15
Tes mots sont vraiment merveilleux.
Et cette citation de Sartre... Succulent !
Surtout ce trés connu : "Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les autres"
Par ellipse le Lundi 10 septembre 2007 à 20:11
Prodigieuse Marie.
Par lovophoria le Mercredi 19 septembre 2007 à 11:42
C est vrai que je partage l avis des gens... vraiment prenant tes écrits...
Tu vas ou chercher tout ca??? :P hihi
en tout cas magnifique ton blog! ;o) y a des chances que j y repasse d ailleurs!!! héhé!!
Bonne continuation, BiZoO BiZoO
Par 메이저사이트주소 le Mardi 1er juin 2021 à 7:58
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