Dimanche 30 septembre 2007 à 17:40

 « A quinze ans, j'étais fatigué de vivre. Sans doute faut-il être si jeune pour se sentir si vieux…
 Privé de cette main qui m'a retenu, je me serais laissé glisser jusqu'au suicide, cette mort qui me tentait, séduisante, apaisante, trappe dérobée où j'aspirais à m'enfourner avec discrétion afin de mettre un terme à ma douleur.
 De quoi souffre-t-on à quinze ans ?
 De ça, justement : d'avoir quinze ans. De ne plus être un enfant et pas encore un homme. De nager au milieu du fleuve, une rive quittée, l'autre non rejointe, buvant la tasse, coulant, remontant, luttant contre les tourments du courant avec un corps nouveau qui n'a pas fait ses preuves, seul, suffoqué.
 Violents, mes quinze ans, rudes. La réalité frappe, entre, s'installe et trucide les illusions. Gamin, je pouvais me rêver mille destinées – aviateur, policier, prestidigitateur, pompier, vétérinaire, garagiste, prince d'Angleterre -, m'imaginer de nombreuses apparences – grand, fin, trapu, musclé, élégant -, me doter de talents variés – les mathématiques, la musique, la danse, la peinture, le bricolage -, m'attribuer le don des langues, la facilité pour le sport, l'art de la séduction, bref, je pouvais me déployer dans tous les sens puisque je n'avais pas encore de réalité. Qu'il était beau, l'univers, tant qu'il n'était pas vrai… Quinze ans, voilà que mon champ d'action se rétrécissait, les possibles tombaient comme des soldats à la guerre, mes rêves aussi. Charnier. Massacre. Je marchais dans un cimetière de songes. »

Eric Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart.


 C'est étrange. Ces mots, que j'ai trouvés dans un livre à l'abandon, sur une étagère poussiéreuse, sont ceux que je cherche parfois. Cette dérision qui me rend nostalgique de la vie, doucement mélancolique. Alcoolique. C'est une ritournelle, encore et encore. Les mêmes phrases qui reviennent et se mêlent, pour ne plus former qu'un discours incompréhensible. Et ce livre, là, entre mes mains, qui m'offrent la possibilité d'une autre expression, d'une autre libération. Se délivrer par la musique, qu'il dit. Une divinité mythique, dans ses draps de velours, qui vous sourit distraitement d'un tableau fragile posé sur un socle séculaire. C'est l'image même du génie qui vous scrute et vous laisse transparent. Peau diaphane sur quelques os brisés, et votre tête tourne. Voyez, ces notes qu'il a laissées, elles vous ont sauvé. Ne trouvez-vous pas que le hasard - oui, le hasard - fasse bien les choses ? Une sonate salvatrice. Et le sourire me vient. Il y a peut-être des rimes cachées dans les arias prometteurs d'une jeunesse prodige. Eclair et éblouissement. Ascension et décadence. Une vie, un prix. La tienne contre la sienne, et tu te vois comblé.
 A quinze ans, on est. Ou pas. Je ne sais pas, à vrai dire. Le sait-on seulement, à vingt ou trente ans ? Ce n'est pas une certitude. Ce n'est même qu'une hypothèse, délicatement posée sur un lit de questions. Assaisonnement, mon cher ? Un soupçon de doute ? Coïncidence, ou ? Tu me fais rire, avec tes grands yeux. Tu m'entends sans me comprendre, et je t'effraye. Je goûte à la saveur acidulée de ce sentiment incontrôlé. Je presse ma main contre la tienne, t'offre le bénéfice d'une seconde échappée. Fraîcheur et délice. Cela ne dure pas. J'ôte mes doigts tiédis et ton angoisse reprend. Qui suis-je ? Mais tu le sais donc si bien, mon ami. Je suis celle que tu veux que je sois, naturellement. Et mes peurs ne te concernent pas, je crois. Je vais lentement refermer le couvercle de mon obscur réceptacle, pour ne te présenter que mon visage rebondi. C'est une joue rougie, et un sourire feint. Du fard et quelques traits de crayons. Mon œuvre d'art, et ton cauchemar. Je ne suis plus qu'une carcasse, damoiseau, alors que ta chair respire la vie. J'aimerais te voler de ce bonheur, mais il m'est interdit. Les chemins se ramifient, et il est temps que je trouve le mien. Ma route. Ma destinée. Même si je n'y crois pas.
 Et j'espère recroiser des yeux effarés, pour me rappeler la réalité. Ton nom résonne à ma tête comme une douce berceuse. Celle d'une illusion effacée, et d'un passé abandonné. C'est la réalité gommée de ceux qui se disent heureux. J'aime à m'y complaire. Je suis vile et fourbe. Surtout lâche. Chacun son heure, la mienne s'enfuit, je cours la rattraper. En vain. Mais ça me fait rire, au moins un peu.

Mes quinze ans se sont échappés, et je ne les rattraperai jamais. Peine perdue. Et pourtant, il m'en reste quelques morceaux épars, comme une toile mal ajustée. Et vous, vos quinze ans de questionnement ?

Par que-vent-emporte le Dimanche 30 septembre 2007 à 21:50
Quinze ans. Une de ces années qui n'ont servi qu'à en construire d'autres et qui se perdent dans le flou d'une mémoire plutôt maigre. Quinze, vingt, trente ou plus, qu'importe! Si l'on a accès au présent, on est sauvé : il dure toute la vie.
Je déroule ta tagboard. J'y retrouve quelqu'un que je connais depuis le premier jour su Cow. Que je connais un peu et que j'aime beaucoup. Le monde est petit.
Par ciel-contre-nuage le Lundi 1er octobre 2007 à 17:23
15 ans, une année de douleur, de recommencement. J'ai recommencé la musique, j'ia recommencé ma troisième. J'ai connu d'autres amies qui aujourd'hui sont toujours là. Et puis, les années passent. A seize ans, c'est la seconde. A dix sept les bonnes notes au bac français. A dix hut, c'est Lui qui s'envole et qui veut être Libre.
Marie prend ça comme un appel au secours. Lis mon article tu comprendras l'horreur de ses propos. Cette métaphore c'ets lui qui l'a faite, et je sais qu'il le pense. Nous sommes au bord du précipice, je n'espère plus rien, juste ne plus avoir de douleur, et qu'elle saténue doucement.
(Je joue la fantaisie en ré mineur d eMozart en ce moment.)
Par Ch0u.Fleur le Mardi 2 octobre 2007 à 22:14
Pas encore passés, mes 15 ans.
Et : " Ahhhh Marie ! "
Tu as remis l'habillage sans tagboard et tout ca et tout ca par défaut ?
Gni. Bon tant pis. Je te pose ma question ici.

Terminale quoi, dis moi ?
L, ES, S ?


<3.
Par Met.ton.ame.de.lumiere le Mercredi 3 octobre 2007 à 14:06
Mes quinze ans, je préfère les oublier. Et ne retenir que mes 12 ans. L'bon vieux temps des conneries tien >.<
Par suspendue le Mercredi 3 octobre 2007 à 14:44
J'aime beaucoup E.E.Schmitt. Mes 15 ans c'était une sucessions de petits évènements plus ou moins agréables, qui font que je suis ce que je suis maintenant.
Par suspendue le Mercredi 3 octobre 2007 à 19:32
Sérieusement, supra très sérieusement.
Pressée. =D
Par dg le Jeudi 4 octobre 2007 à 9:37
qu'est ce que cela sera quand tu auras 40 ans ! alors !
elle n'a jamais eu 15 ans elle est morte avant et je l'aimais beaucoup ... alors ...
Par valse-des-ondines le Vendredi 5 octobre 2007 à 17:55
Je me suis inscrite à la fac mercredi (ca m'a pris en tout 5h30, sans compter els 2 fois où j'y suis allée pour RIEN. Bref ce n'ets qu'un détail.

je suis en science de la psychologie et science de l'education. J'ai rpsi comme enseignement mineur la philosophie avec comme grande question "Qu'est ce la folie" [ J'adore et je susi sur qu'on va devoir lire "Eloge de la folie" XD ] Et comme option Etude de la psychanalyse et de la folie [ On va notament traiter le theme de pourquoi devient fou, pourquoi ect... ] et La psychologie des gens nocifs [ la grande question est "Comment quelqu'un d'appparence ordinaire peut il devenir meurtrier?" ] Je susi completement noyée sous ma joie, c'est vraiment CE qui m'interesse, et j'ai hate hate hate de commencer, enfin avoir le pourquoi du comment, je sens que je vais être dans mon element, et c'est incroyable combien ça me met de la baume au coeur.

Bref. C'etait une parcelle de ma vie XD
Par La.Joconde le Samedi 6 octobre 2007 à 18:33
Délectable.
Eric-Emmanuel Schmitt, où la prose dans toute sa beauté. Personnelement, cet auteur me transporte.
Par Ch0u.Fleur le Jeudi 11 octobre 2007 à 22:05
Un visage lisse. Pas d'imperfection. On dirait qu'il met du fond de teint. Il n'en est rien. Des dents un peu écartées, un charme enfantin. Des yeux grands ouverts, ou se reflette la simplicité de la vie.

Une bouille, bien plus en réalité, un ange.

_____*

Drôle et gentil.
Il me reste encore des facettes de ce personnage a découvrir.

(Term. S)
Par Ch0u.Fleur le Jeudi 11 octobre 2007 à 22:05
Se prénommant Tom, naturellement.
Par Ch0u.Fleur le Jeudi 11 octobre 2007 à 22:15
Et je m'en vais rêver.
Ses moT en tête.

(L)
Par Ch0u.Fleur le Jeudi 11 octobre 2007 à 22:15
Tout de même, je m'interroge.

POURQUOI SON EX A CASSE ?

Enfin, au moins, il est libre :p
Par Ch0u.Fleur le Samedi 13 octobre 2007 à 15:36
Tom. Un de ces gars au lycée, aussi beau que Guillaume, mais différemment.
D'ailleurs Guillaume, pas revu, il faut dire que je ne traine pas souvent dans les alentours de Bartho.

Scorpions, Allemands ? Comme les Fool's Garden, non ? Trop kiffant ca, hein. J'ai toujours l'image du gars la près du Koïfhus, trop trop classe (L).


Bises <3
Par la-tourneuse-de-pages le Jeudi 18 octobre 2007 à 21:29
(Et c'est pas la première fois que je viens, et ça fait longtemps qu'on me parle de toi.)

Eric Emmanuel Schmitt. Il m'a tiré les larmes que j'ai pas pu pleurer devant un cercueil, avec son Oscar. Un cadeau un peu empoisonné, mais pas tellement non plus. Juste ce qu'il faut. Je crois que j'en redemanderai pour Noël.

Mais quinze ans, c'était il y a un an et demi à peine, mais je n'm'en souviens plus. Comme si je déroulais un fil, c'est continu. Quinze ans ... voyons ... Le passage troisième-seconde, le lycée (c'est mon seul point de repère) ? Ce n'était pas une belle année alors. Mais qu'importe. Il y en a d'autres.
Par Nany le Lundi 12 novembre 2007 à 22:29
(M**** )
*soufflée*
C'est étrange, marrant dans un sens. Ces mots que j'avais voulu m'approprier, digérer, m'incuber. J'ai vomi à la fois son optimisme et sa morbidité, mais je me reconnaissais dans chacun de ses mots. Mots recopiés, chapitres entiers pour se les garder. Pis finalement, auteur à succès, hein ? Gueule d'ange, de nourisson repus, à qui on confierait tout. Ou qu'on aimerait éclater.
Bouleversement de ces lignes, entendues la première fois au courant d'un concert.
Mes 15 ans ? Ce n'était plus les tiens. Ou peut-être plus que jamais ? Changement, déménagement, ébranlant jusqu'à ce qu'on avait osé croire fondations vers une continuation ?
C'est étrange. Que ces mots aient aussi [été] pour toi.
(T'aime.)
(Ta Nany.)
 

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