Samedi 14 juillet 2007 à 16:34

Parfois, la solitude reste votre seule amie.


    Petite fille, pourquoi pleures-tu ? Vois ces larmes qui coulent sur ton visage de porcelaine. Elles abîment ton tendre sourire, écornent ton regard pétillant et maculent ton air espiègle. Les genoux contre la poitrine, tu halètes doucement sous l'escalier, pour ne pas éveiller les souffles réguliers de la nuit. Tes rêves se brisent contre les marches irrégulières, en t'arrachant quelques cris. Tu vois l'espoir se briser entre les planches usées, sans pouvoir le rattraper. Tu ne sais pas comment, de toute manière. Alors tu serres un peu plus tes bras autour de tes jambes roides, pour ramener un peu de chaleur à ton cœur frigorifié. Cela passera. Cela passera, comme toutes les autres fois. Tu tentes un éphémère sourire, du coin des lèvres. Mais un soudain rictus en prend la place. Tu hoquètes, te plies, te tords. Ta tête se pose contre tes mains glacées, pour trouver la fraîcheur. Ta propre température t'étonne. Tu ne sais plus quoi faire pour retrouver la sensation du bout de ces doigts que tu agites vainement. « Je n'aurais pas dû rester ici aussi longtemps. Quelle idiote je suis ! »  Alors tu te mets à compter, doucement, du bout de la langue, les minutes qui se sont écoulées. Puis les heures. Tu ne sais plus, au final. Tu te perds entre chiffres et nombres, sous une addition sans but ni raison. Ta tête cogne le mur, derrière toi, ton dos s'étire douloureusement, et tu lèves les yeux. Qu'y a-t-il donc là-haut ? Au-dessus des ces marches, au-dessus de ce toît, au-dessus de ces étoiles voilées ? Combien de questions encore, dans ton esprit embrumé ? Combien de « pourquoi ? », de « comment ? » ? Et combien de ces interrogations restent-elles sans réponse ? Tu ne comptes plus. Depuis que chiffres et nombres se mêlent, tu ne comptes plus. Tu laisses tes doigts froids pendre le long de tes bras inertes, contre le bois vermoulu. A quoi cela sert-il, après tout ? Il est tellement plus facile d'oublier, en fermant lentement les yeux, pour ne plus voir. Se fermer au monde, en resserrant son cœur. Il n'y a plus de compréhension, juste cette masse tiède et immobile, dotée de quelques pensées éparses. Ton cou plie, ton menton touche ta poitrine et tu t'en vas.

    Il y a ces herbes sèches à tes pieds. Celles qui te chatouillent doucement le genou, lorsque tu passes entre les longs épis. Elles sont dorées, cette fois-ci. Dorées et odorantes. Tu glisses silencieusement, passant une main entre les touffes claires. Une douce nostalgie emplit ton âme, se mêlant à la littanie de la nuit. La lune pare de mille reflets argentés ta peau de velours, et tu sens lentement la vie revenir à toi. C'est une lente remontée d'envies et de sensations, enveloppées de chaleur. Tes lèvres s'étirent doucement sur ce sourire qui t'était défendu. Quelques couleurs remontent à ton visage, colorant la fragile blancheur d'un pastel rosé. L'azur de tes yeux retrouve son éclat, et tes yeux brillent entre les rayons  qui se coulent sous ta manche relevée. Tu respires l'air parfumé de la nuit et tu souris. Ton monde s'ouvre sous tes pieds, entre vallons arborés et vallées fleuries. Tu t'y glisses, sans un bruit, sans un froissement. Juste la légère présence de ton rire cristalin, au bord de la rivière d'argent. Il y flotte une atmosphère d'abandon, sans artifice aucun. Tu penches légèrement la tête, à gauche puis à droite, en laissant rouler tes lourdes boucles de soie au creux de tes épaules. Tu lèves les bras vers les vaporeux nuages, comme émerveillée. Et puis tu retombes, à peine perceptible, entre les coquelicots penchés. Tes paupières referment doucement le réceptacle du monde. L'azur devient ébène, et la lueur disparaît. La suave odeur s'efface, comme dans un rêve à peine effleuré. Va-t-en.

    Ton pied a heurté la surface éclatée. Un mouvement de recule et tu te cognes le dos. Les yeux grands ouverts, tu observes la porte entrebâillée, là-bas. Regard sombre et visage figé. Tu n'y es plus. Ou du moins tu es là. Qu'importe le nom des choses, cela n'a pas grande importance. Un frisson parcourt ton dos. Les lèvres serrées, les yeux clos, tu te redresses légèrement. Ton dos craque, te fait grimacer. Un gémissement rapidement étouffé sous tes mains jointes. Les phalanges blanches, tu te mords un doigt, pour te faire taire. Et si on te trouvait, hein !? Mieux vaut le silence et le secret de ces quelques centimètres de liberté, plutôt que d'avouer tes rêveries incertaines. Tu imagines les colibets, les bouches tordues et les yeux moqueurs. Tu les sais, tu les vois. Alors tu te tais, les dents plantées dans ce doigt sanguinolent. Il ne te reste plus que cela, désormais, cet espace restreint et ces quelques parcelles d'espoir perdu, ces miettes de rêve déçu. A peine. Alors tu reposes ta tête contre le mur. Tu refermes les yeux, lentement. Très lentement. Et doucement les portes s'ouvrent à nouveau. Un ruissellement discret, une brise parfumée.


Va-t-en.

Par Mon-bout-de-vie le Samedi 14 juillet 2007 à 17:05
Je suis sans mots. Sans mots. Je te promets que je ne peux rien dire tellement ... Je vois très bien la scène. Je la vis même. Un point. C'est tout.
Merci pour tes mots. Merci.
Par cafe.de.gare le Samedi 14 juillet 2007 à 20:12
Je suis passée dans l'après midi, et puis. Je ne trouve pas de mots qui soient assez beau. Cet article est juste sublime, tu la décris tellement bien.
Je suis désolée, mais je ne trouve pas d'autres mots, ( au risque de paraître banale )
Par cafe.de.gare le Samedi 14 juillet 2007 à 20:30
Je connais ca, ce que tu ressens, ce sentiment de ne plus savoir écrire et d'être dans la brume la banalité. Mais j'ai lu les derniers articles, tu sais, et cela n'a rien de banal, c'est. Je ne trouve pas même un mot qui définisse la beauté de ton écriture. J'en parlais avec Julie, je lui demandais si tu comptais écrire un livre. ( Mais si tu trouves tomber dans le terne, je te dirais d'e prendre une plume et une feuille la prochaine fois, tu te mets au calme, et tu verras ca aura une autre allure à tes yeux, je pense. Enfin )
Par cafe.de.gare le Samedi 14 juillet 2007 à 20:37
Je pense, de toute facon, la plupart de ceux qui écrivent ont un jour ce rejet, enfin "rejet". Tu es en quelle section, et ce bac?
Mais, malgré tout, malgré le fait que tu n'aimes plus tes mots, les phrases sont toujours aussi émouvantes. Je te le dis, je le pense. Et j'espère que tu te retrouveras dans l'écriture, mais j'en suis sure, parce qu'avec un talent comme ca.
Par Mon-bout-de-vie le Samedi 14 juillet 2007 à 23:34
Je le lis. Je le relis. Je me reconnais trop dans tes mots. Ca m'énerve.
Et j'y reviens. Je le lis dans tous les sens.
N'abandonne pas. Tu écris si bien <3
Par untitle le Dimanche 15 juillet 2007 à 13:29
Le problème une fois qu'on a mit l'habillage marron et blanc avec des zigouigoui baroque, c'est qu'on ne peut plus le changer, puisque plus de menu!
et puis plus de tagbooooooorad

hi
Par untitle le Dimanche 15 juillet 2007 à 20:24
IE

hi
Par untitle le Dimanche 15 juillet 2007 à 20:45
hé bien tanpis! hi Ca ne m'empêchera pas de lire!
Par rosane le Vendredi 20 juillet 2007 à 1:35
Ton texte me rappelle le roman d´Anna Gavalda: Ensemble, c´est tout.
Par le.vertige.des.mots le Lundi 6 août 2007 à 11:23
Encore une fois, je me retrouve dans tes mots. C'est tellement beau.
Il fait moins froid. A l'intérieur. Merci.
 

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