Mardi 15 avril 2008 à 22:40

Voici les dernières trompettes, celles qui annoncent ma fin. Je m'avance, dans le silence pesant d'un dernier souffle. C'est le loup de ma propre vie qui me poursuit, me harponne, me dénonce. Le temps coule à flots entre mes yeux abusés, et Chronos me montre du doigt, furieux. Il ne reste rien.

Voici ma mort. Je n'existe plus. Je ne suis qu'une âme, et encore. Je flotte, dérive effrayante, dans un gouffre sans fond, sans histoire. Je suis à bout de souffle, noyée dans l'expérience du néant, hurlant silencieusement dans mon refus de disparaitre. L'océan de désespoir me happe et m'emporte, alors que tout espoir onirique d'un possible échappatoire s'efface. Je ne suis plus. Et tandis que tous mes sens m'abandonnent, quelques cerisiers fleuris d'un Japon dégringolant m'accompagnent encore dans cette chute infinie.

Ouverture en mi mineur, trombone, cor et tuba. Ma vie m'apparait comme un opéra, derrière masques et costumes, sur fond d'indifférence et d'absence. Il n'y a pas de décor, non. Il n'y a que la certitude frissonnante d'un manque, d'un vide qui vous consume dans l'absurdité de toute une existence. Les masques tomberont peut-être au troisième acte, alors que les chanteurs salueront le public endormi, mais il sera trop tard. Le couperet sera tombé sur les cous trop fragiles d'un questionnement sans fin, d'une incertitude nauséeuse.

Je suis seule face à ma propre finitude. Il n'y a plus cette masse doux-aigre qui m'entoure, me rassurant sur la pertinence de ma propre existence, non. Il n'y a plus ces corps qui se frottent contre moi, me faisant croire qu'il est possible de vivre. Il n'y a plus de tu répondant à ce je, d'intersubjectivité existentielle, essentielle. Je suis seule face à moi-même, face à cette carcasse vide de sens. Et voilà que tous mes espoirs viennent se briser sur une certitude aiguisée: il n'y a ni tu, ni vous, ni je. Il n'y a que la présence insolente du temps qui passe, sous le regard condescendant de divinités fatiguées, et ma simple insignifiance.


Tout s'est écroulé. Mon hypothétique vie n'était peut-être qu'un songe à peine consommé.
Mais trop tard.
Adieu.

Par monochrome.dream le Mercredi 16 avril 2008 à 10:13
Il y a des prises de conscience, comme ça, qui ne demandent qu'à être fuies ou dépassées, parce que brutes de brutes, elles sont insupportables.
Et ton texte le fait si bien ! Ce n'est plus cet opéra, ce festival de chants mêlés ; c'est le doux filet miel qui s'échappe d'un solo de hautbois, ce sont les pleurs acides de l'alto, c'est la douleur, la volonté de changer les choses en les dévoilant, et la certitude que malgré tout, rien ne changera sinon notre rapport aux choses à nous, lecteurs. Et puis ? C'est déjà ça.
Bon, pour le dire de façon moins nulle, j'aime énormément ce texte.
Bisous
Par suspendre.les.points le Mercredi 16 avril 2008 à 14:37
Merci. Merci. Merci.
C'est tragique de vérité. Et magnifique de musique.
Par Makkiavel le Jeudi 17 avril 2008 à 1:18
Il y a plusieurs sens à la vie, à ce qu'il paraît. Seul une âme aveuglée ne peut le voir. Les mots sont d'un pâle réconfort, abstrait et errant, mais il cache des vérités recherchées, et ignorées.
Ëtre seul face à soi-même, passer des arcanes défaites, longer les couloirs ensevelis et ensablés. Un regard long et incertain, sur les hémicycles de nos pensées, où elles siègent, frissonnantes et orgueilleuses. Un coup d'état, un attentat, ou le retour de l'enfant divin, vainqueur nonchalant. Elles tombent.

La fuite des repères, et c'est l'écroulement des montagnes de notre existence. Je hurle lorsque cela m'arrive, et je jure. Je me drape dans une verte insolence, dans un marasme intellectuel. J'irradie de dédain, et d'autosatisfaction, je m'aime que plus. C'tellement doux. J'affiche le dernier masque que je connais, le seul que je maîtrise, forgé par ma fierté. Au fond, la seule fois où je crains le regard des autres, lorsque je souhaite prouver mon indépendance, et leur inutilité.

J'écrirais encore longtemps, je crois.

Par ciel-contre-nuage le Jeudi 17 avril 2008 à 22:32
J'ai l'impression de les entendre ses tubas, ses trompettes qui jaillissent par tout côtés pour m'annoncer quelque chose, mais quoi, la fin?
On se bat tous pour quelque chose, nous ne nous laisserons pas happer.
Je suis avec toi =)
<3
Par droit-aux-larmes le Samedi 19 avril 2008 à 8:37
Oui. J'ai vu hier, ou bien avant hier.
Tu as pris ta revanche sur les textes. Malheureusement je n'ai pas encore pris le temps de les lire, je m'en excuse. Mon esprit vagabonde ces temps ci...

Je t'embrasse,
Marion.
Par Flo. le Vendredi 25 avril 2008 à 19:23
Sur tes mots, même lorsqu'il hurle la douleur, j'ai envie de danser.
Par que-vent-emporte le Dimanche 27 avril 2008 à 23:34
Heureusement que c'est vide ! Heureusement que ça n'a pas de sens ! Cette découverte fut la plus belle de ma vie. Rien n'est donné, donc tout est possible.
 

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