Il y a ce roulement, dans le fond du ciel grisé. Une sorte de complainte marine qui se noie dans la plénitude d'un instant d'éternité. C'est doux, c'est flou. C'est la mer qui s'enroule autour de mes chevilles, petit serpent aux dents pointues qui me rappelle à ces eaux trop fougueuses qui m'entraînent. La fragilité de l'Homme est là, sous la beauté sauvage d'un monde qui se faufile hors du temps. Ephémère. L'écume me fouette le visage. Je suis là, face à la tempête qui menace, le cœur-fagot posé sur les vagues qui se déhanchent. Arrache cœur, arrache cœur, je suis à toi. Ouvre tes bras métalliques sur mes jeunes espoirs battants, pour me rappeler les mots tendres-arides d'une âme qui se flétrit. Cliquetis, dans la nuit noire, qui se referment lentement sur mes quelques rêves, naïveté éhontée.
La mer continue de rouler sur mes pieds gelés. Elle aime à glisser ses mains doucereuses sur ma peau rêche, ressac entêtant. Je suis perdue, dans les méandres de la mélodie talentueuse de cette entité monstrueuse. Alors je m'assieds, silencieusement, dans le sable qui dévore mes doigts. Le vent siffle entre mes cheveux qui volètent lourdement. Arrache cœur, oui, lorsque l'océan écrase sa lourde masse sur ma frêle carcasse encore tiède. Je ne suis qu'un corps, dans l'immensité d'une humanité qui vole en éclat. Le rideau de nacre s'est ouvert sur la scène implosée, et un hurlement s'est élevé. La mer l'a englouti, comme les autres. Silence.
Oui, je suis à toi, Arrache Cœur.
On ira à la mer un jour? On ira voir la mer.