Jeudi 1er mai 2008 à 0:28

Ruines. Boue. Fange.

Il n'y a plus grand chose, par ici, autre que les décombres encore fumant d'une guerre qui n'en finit pas. Rompus, ils sont tous rompus, devant des ombres meurtries sous un ciel de plomb, pliant sous le poids invisible de cette boucherie insoutenable. Des cadavres traînent parfois encore sous les ponts qui cèdent, cherchant désespérément un peu de cet air qui ne leur est plus nécessaire. Les enfants courent, presque nus, dans cette froidure infestée, à la recherche de compagnons de jeu désormais muets.
Que reste-t-il de ces hautes tours finement ciselées ? Rien que l'amer souvenir des vagues de soldats qui déferlent sous l'écume d'obus. Résistent quelques baïonnettes sous les avances orangées de la rouille humide. Les casques roulent entre les pieds des bambins affamés, et les vestes tachées de sang se gorgent d'eau dans les lavoirs grinçants. Quelques femmes retroussent leurs manches froissées et nettoient laborieusement les traces indélébiles laissées par les corps abattus.
Quel gâchis ! Les hommes se sont battus, puis se sont tus, leurs armes encore vibrantes au poing. Indéfectible vengeance jamais assouvie qui se solde par ces milliers de cadavres putrides qui fleurissent au printemps, entre les soucis et les muguets. Il règne alors un parfum de misère, se mêlant à la lourde odeur des sueurs refroidies. Il n'y a plus de bras vigoureux dans les champs dévastés, soulevant foin et blé, sous un soleil chavirant. L'eau et les empreintes à demi effacées des bottes trouées s'y substituent tristement, alors que les voiles noirs drapent peu à peu les visages émaciés. Plus un rire, plus un espoir. La mort est tombée, dernier couperet.


Et pourtant, dans toute cette rage accumulée et ces peines endiablées, Wladek. Wladek, tes yeux de velours sur ma peau de dentelle, alors que tous les autres s'échinent à vouloir mourir à leur tour. Nous sommes perdus dans l'immensité d'un rêve qui ne devrait pas nous appartenir et qui pourtant nous porte. Nous sommes pris, et personne ne le comprend. Ils enterrent et se déterrent, portant leurs regards froids sur ces longues étendues grisonnantes de tombeaux. Ô, Wladek, nos corps qui se frôlent, frissonnant sensuellement de cette passion qui partout s'est éteinte, rendant nos chairs toujours plus attirantes et nos regards plus brûlants. Nous apportons à cette terre déchue toute la vigueur qui lui manque, tant elle est gonflée de carcasses roidies. Mais nous aimerons. Nous aimerons jusqu'aux confins de la nuit pour éveiller à nouveau cette douce folie, brûlée sur l'autel de la haine. Nous aimerons, jusqu'à ce que nos corps se détachent l'un de l'autre et que nos cœurs cessent cette langoureuse musique qu'est celle de la vie. Nous aimerons, nous aimerons.

Et nous ressusciterons.

Par Vague le Jeudi 1er mai 2008 à 11:00
Ah, ce bon vieux Wladek.
(Tiens, Wladek est inconnu du dictionnaire. Mais dans la liste des mots proposés, il y a salade. Si j'étais lui, je n'apprécierais pas.)

Wladek, l'imaginaire si réel. Le frère de tout à chacun, exilé en Biélorussie (oui, finalement Estonie ce n'est pas terrible.). Wladek et son Eugenia-Elizabetha. Wladek. Wladek.
Il aurait aimé ta description.

(nb : ne pas devenir schizophrène.)
Par Flo. le Jeudi 1er mai 2008 à 11:39
La guerre. La guerre détruit nos songes, ceux des hommes, ceux du monde. La guerre a laissée des millions de croix blanches dans toute la France. La guerre a arraché des larmes, la guerre a trompée des hommes, la guerre a rompue des amitiés, la guerre a montrée l'horreur qui se terrait en l'être humain, la guerre a détruit une partie de notre âme. La guerre continue encore, mais les français ne s'en soucient plus. La guerre est trop loin pour eux. Ils n'y pensent plus.
Par Upsilon le Jeudi 1er mai 2008 à 12:31
Nous ne ferons que ça. Nous ne ferons qu'aimer. De l'inconnu au plus familier. Tous, sans distinction, nous n'aimerons ni l'individualité mais la masse.
J'aimerais tous ces corps doucement promis à l'oubli, déjà refroidis par ces souvenirs volatils.
J'aimerais le monde pour me punir d'avoir osé n'aimer qu'un seul.
J'aimerais l'humanité pour être sur d'aimer au moins un humain.

Ah. Tous rompus.
Et briser quelques os. Poussière d'articulation, mêlée à de la fange fumante.
Ah. Je ris et j'aime.
 

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