Dimanche 18 novembre 2007 à 23:36

Il y a ces soirs où tous vos choix vous semblent être désuets, où toutes vos décisions vous sont dénuées de sens. Il ne reste qu'un corps engourdi et un esprit étourdi. Des mots fusent sans que vous puissiez en saisir le sens. Juste ces regrets amers sur une langue jaunâtre. « Ai-je eu raison, alors que je. » Qui vous le dira, de manière objective ? Il n'y a que reproches et remerciements. L'un vous crachera au visage alors que l'autre vous embrassera passionnément. Mais lequel aurait raison d'agir comme il le ferait ? Tout n'est que subterfuge pour que je me noie dans ma propre substance. Dans ma propre essence, comme disent certains savants. Qui alors, me délivrera de cette impasse d'introspection ? Qui pourrait être assez objectif pour me montrer, comme dans l'eau miroitante d'un lac immobile, ma propre existence ? Personne. Il n'y a personne qui puisse m'offrir la douce échappatoire d'une réponse sans appel. Je suis condamnée à errer entre amour et indifférence, traversant la haine. Ce n'est qu'un corps comme un autre, avec ce qui semble l'accompagner. Une réflexion sans lendemain. Alors j'ai tenté.

J'ai tenté de me fondre dans ton regard d'argile. De m'y modeler, telle la sculpture de tes longs rêves solitaires. J'ai essayé de me métamorphoser en cette fée que tu imaginais, entre illusions et réalité. J'ai longuement observé le miroir de tes pensées, m'y suis mirée, pour mieux m'y représenter, mais en vain. Il y a toujours cette suie au coin de mon visage, cette ride à mon front usé. Il reste ces questionnements avides dans mon regard fragile et dans ma bouche fatiguée. Il y reste toujours. Alors tu me dévisages. Tu tournes autour de mes formes retravaillées, de mes sons incohérents et de mes yeux fous. Tu te tapis entre mes mains et mon cou, pour respirer les effluves glacés de mon âme corsetée. Alors tu arraches lentement mes atours enjolivés pour me mettre à nue. Ce n'est qu'un jeu auquel tu prends goût, celui de me retirer ce que je tente de t'apporter en me montrant ces choses qui te déplaisent, finalement. Tu déchires la robe en m'exhibant les mauvaises coutures. Tu découpes dans mes pommettes trop hautes pour me montrer les larmes qui s'y cachent. Un jeu. Oui. Ce n'est qu'un jeu pour toi qui ne voit pas encore les fêlures dans mon cœur trop tendre, qui ne fait que s'offrir à tes coups. Tu ne vois pas l'absence de ces sens qui glissent à tes mots blessures. Tu ne peux. Je ne suis qu'une étrangeté, dans un corps semblable aux autres. Et tu t'amuses à y réfléchir ton propre être, pour assujettir ce qu'il reste du mien. Ce n'est qu'un jeu, vicieux et malsain. Celui de la Raison relative.

Je me plie. Par peur. Par affection. Je baisse le dos, jusqu'à ce que mon arc se brise. Mes mots tombent à terre, sans l'espoir de se relever un jour. Je n'ai que les restes défaits d'un semblant d'assemblage. Mes réflexions s'envolent, dans un ciel gris de lassitude. Ce n'est qu'un combat perdu de plus. Ils s'amoncèlent désormais sous mes jambes tremblantes d'habitude, sanglante déprave d'un navire échoué. Qu'importe ? Mes yeux se ferment, mes larmes se déposent lentement sur les cendres de mes faux-semblants. Je ne vis que par toi. Tu ne vis que par moi. Et pourtant. C'est une relation qui tourne en triangle, inégalité. J'accroche mes mains à ton cou, en une étreinte désespérée. Il est trop tard pour s'en dégager, je crois. Alors je m'y jette, sans même plus y réfléchir. Il en est ainsi des jours à venir. De cette lassitude croissance de doutes sans réponse. Amour, haine et désintéressement. La glaise a séché. Tu grattes encore un peu de mon visage exsangue, pour en faire tomber. Rires. Je souris. Qu'y pouvons nous, finalement ?

Jeudi 15 novembre 2007 à 12:13

Je m'assieds. C'est si simple de tenter de respirer, mais la peur de ne pas aboutir coupe le souffle. Il n'y a que les rêves inassouvis qui me hantent encore, en cette matinée brumeuse. Les mots sont coupés de toute réalité, et il faudrait dormir. Mais la nuit, ces quelques bribes d'absence se condensent en une abominable farandole d'espoirs brisés et d'angoisse feintée. Il n'y a pas de repos, non, aucun. Night mare, que j'ai lu. Très certainement. Empoigné le coeur à deux mains crispés, et essayer vainement de se défaire de sa propre mémoire. C'est jouer à un jeu dangereux que de se croire plus fort que toute logique. Et pourtant, on aimerait y croire. Pouvoir, alors que le jour se lève, glisser son esprit dans le corps et la mémoire d'un autre, sans briser ce qui s'appelle le "soi". Soi. Qu'est-ce donc que le soi ? Une sorte de miroir à son ami, comme aurait pu l'avancer Aristote ? Une réalité pour l'Autre qui se reflète et se complète ? Une sorte d'existence qui échappe à tout semblant de possession, qui ne fait que flotter entre les membres désarticulés de l'Humanité agonisante ? Les penseurs se taisent. Il n'est plus l'heure des réflexions sombres et incompréhensibles, sous peine de mort. La pensée se meurt, oui. Les miennes se dissolvent dans ce qui aurait pu être la providence.



Et pourtant, je n'ai pas abandonné. Pas encore.
Et vous donc ?

Mardi 6 novembre 2007 à 16:54

Ce n'était qu'un matin brumeux, flottant parmi mille autres, dans une sorte de danse sans rythme. Il n'y avait qu'elle. Elle et son cœur abîmé, lourd de souvenirs arrachés et d'images décolorées. Ce n'était qu'un mirage, dans un fleuve endormi, comme une ombre sans nom sous un ciel obscur. Rien. Il n'y avait rien, non, autour d'elle. Juste le voile diaphane de son dernier espoir, de sa dernière prière, un soupir dans la nuit glacée. Des silhouettes sans consistance tournaient autour du corps abandonné, en cadence, sans violence. L'attente latente de l'aurore indicible qui aurait pu amener le bonheur. Mais l'audace ne paye. Le voile ne se déchire, mais l'âme s'étiole. La lune expire de longs rayons bleutés, sans jamais prononcer ces merveilleuses promesses. Il n'y a que l'espoir, oui, qui tienne encore. Le corps se meut. Il se tourne et se détourne, sur le chemin trop rigide de l'existence placide. Une sorte de révolte, sans condition et sans explication. Le simple hurlement d'un esprit tourmenté qui ne demande qu'à s'apaiser dans la douceur de bras protecteurs.

Les haleines tièdes se mêlent, rubans argentés d'une brume engourdie, dans les profondes noirceurs du temps. Elle se serait presque endormi, transie de froid dans ses fines jupes, alors que les secondes défilaient en la narguant. Ce n'était qu'une sorte de songe sans fin qu'elle observait dans le miroir trouble de la vie, une route à tracer, alors même que ses jambes s'avancent dans l'inconnu gelé d'une destiné contre-indiquée. Alors ses yeux s'ouvrent grand sur le vide insensé de son existence, ses longs cils battant son regard absent. Un concerto sans concertation, syncope brisée et triolet de noires, tête tournante et mains moites. Mais il ne faut pas trembler. Non. Il faut être fort. Fort. Ce n'est qu'une expression sans fondement, une sorte d'image à calquer, dans un coin de sa conscience. Etre fort, et n'être que ce qu'on vous demande d'être. Sourire, alors même que les larmes se bousculent sous le pont de vos sentiments et que la rage bout dans les bas-fonds de vos entrailles. Etre fort, une idiotie à tenir pour vraie. Alors les dents se serrent dans un gémissement imperceptible. Les doigts s'entrecroisent et se griffent, frémissement froissé. C'est une habitude à prendre. Etre dans l'absurdité des conventions, alors même que toute raison nous échappe. Vivre hors d'un monde ordonné, dans une sorte de rêve éveillé, entre peur et chaleur. Ce n'est pas une vie, peut-être. Une étincelle éphémère dans la froidure grandissante. L'aube s'approche, à pas feutrés, apportant avec elle la crainte d'un nouveau jour. L'air se glace et ses sens sont en feu. La robe s'est prise dans la neige nouvelle. Le cœur s'est fêlé.

Une brûlure. Voilà une comparaison bien frêle, par rapport à ces sentiments qui se bousculent. Quelques notes de musique s'égrainent dans l'atmosphère lourde, pour s'abattre avec fracas sur le sol givré. Elles parlent de soleil, faible rayon d'un espoir bientôt évaporé. Les ailes des anges laissent flotter quelques plumes fanées, dans un léger parfum de lys blanc, alors que les roses rouges ont éclos, laissant leurs pétales glisser sur les peines à panser. Il y a des mots qui disparaissent, dans le lointain. Ceux qui s'oublient sur les routes effacées. Et pourtant. Une feuille craquelée, à l'encre bleue délavée, qui virevolte contre son cœur palpitant. Battement incessant. Le regard se perd à l'horizon chatoyant. L'indicible heure profile ses délicates parures. Le corps s'emplit d'une lueur irréelle, coupe de promesses sacrées aux reflets nacrés. Le réceptacle est infini, tant que les paroles résonnent sans jamais se rompre.

L'aube a étalé ses jupons dorés. Elle s'endort enfin, dans la larme rosée des secondes oubliées. L'éternel ouvre un œil, et veille sur son corps abandonné. Silence et communion.



Quelques mots, sur une feuille jaunie par le temps qui fane. Quelques souvenirs, sur quelques lignes inavouées. Quelques instants, dans l'infinitude du serment. Et ces quelques lettres qui se gravent dans la chair et l'esprit. Entre être et âme. Entre homme et femme. Entre elle et son entité. Aimer.

Dimanche 21 octobre 2007 à 18:18

    Tourbillon. Je m'abandonne à l'exquise douceur de cette lassitude. Mes pieds frôlent le parquet trop froid, entre automne et soupir, et les feuilles mortes tombent sans un bruissement dans la tempête à venir. Il y a comme une bouffée de chaleur qui s'engouffre, soulevant délicatement les fins rideaux de soie. Transparence et retenue.


    Andante Sostenuto, la tête haute et la poitrine bombé, pour ces quelques secondes de répit. Celles qui sont attribuées aux trompettes triomphantes et aux trombones résonnants. C'est une illusion, mais on le sait déjà. Moderato Con Anima, et les cordes vibres. Il y a cette agitation sourde, ce halètement soudain, comme un danger silencieux qui s'approche, vous guète, et vous happe. Moderato Assai, Quasi Andante. Rasseyez vous, le spectacle se gèle dans d'indéchiffrables soli de hautbois qui se mêlent, s'emmêlent et se démêlent sans jamais se quitter. Allegro Vivo. Enfin, le voile se déchire et les notes s'entretuent. Il y a ce désespoir, au creux des cors qui s'endorment, au loin, dans un forêt humide et oubliée, sans laisser de traces. Le fauteuil craque un peu, alors que je m'étire. Je suis parcourue de ces quelques parcelles d'être intemporel. Il y a une existence qui coule dans mes veines, étrangère à la première. Une sorte de dédoublement sans nom ni raison, la simple vision d'un autre soi, ailleurs. La neige tombe à gros flocon, et la soie s'est transformée en velours. Bourrasque, et je bascule. Les ponts sont décorés de dorures ternies, alors que les carrosses s'avancent, dans l'air perturbé que les chevaux mâchonnent entre leurs mors. Une boue grisâtre se faufile sous mes pieds, filant dans d'invisibles gouffres, sous la route pavée. Les feuilles tourbillonnent, ici aussi, rares et odorantes. Les dômes givrés se drapent dans leur manteau de glace, laissant apparents ces quelques atours colorés. De la fourrure et de l'or, tandis que le bronze se mire dans le turquoise. Ces dames se couvrent contre le vent qui se lève doucement, alors que la ville s'assoupit, derrière l'opéra de verre. Les statuts s'élèvent fièrement, dans le ciel tourmenté de cette cité aux mille visages, et les fusils font résonner leur sinistre mélodie. Et là, avec sa redingote élimée, je retrouve mon ami rôdeur. Il traîne entre les places, à l'abri des arbres qui se plient et se déplient. Il monte les marches du palais et les échelons de la vie, sans jamais reprendre son souffle. Ce n'est que la continuité exiguë de ces jours monocordes qui pleuvent sur lui et sur son chapeau fatigué. Marche, compagnon de réflexion, entre les passants étourdis et les messieurs au visage crispé. Ta main s'échappe en lourdes envolées solitaires, alors que le papier se froisse. L'encre coule et les sentiments s'offrent en pâture aux inconnus incompréhensifs. En de rares exceptions, tu leur présentes ce sourire si faux, pour que les richesses brillent par-dessus cette épaule lassée. De longues soirées posées sur des plateaux d'argent, pour que sa Majesté se délecte de mensonges et d'apparences. Etouffer sous les lourds atours de l'étiquette, sans jamais se demander où l'on est. Alors que toi, pauvre homme, tu observes douloureusement tes mains qui tremblent, à la lueur d'un hiver naissant. La clarinette se jette dans de terribles plaintes, hurlant après cette libération qui n'arrive pas. Les violons se complaignent, dans la froidure insoutenable de la nuit qui tombe. N'allumeras-tu donc pas la chandelle qui brûle en ton cœur, une dernière fois ?
    Andantino In Modo Di Canzone. Je m'allonge. Le lit est froid et l'âme gèle lentement dans son enveloppe charnelle. Cent jours se sont écoulés, et tu es toujours penché sur ce papier griffonné. Tu t'acharnes avec la force du désespoir, alors même que tes plumes ébréchées se taisent dans la sécheresse et la stérilité de leur œuvre. Minuit sonne au clocher. La bougie a été allumée, et quelques gouttes de cire abreuvent tes pensées disparates. Les violons se sont apaisés et entament cette douce et triste litanie. Tu leur avances une valse binaire, dans l'espoir de les attraper lors d'un contre temps. Les cors enivrés se livrent à ton bon vouloir, alors que la flûte cristalline s'élance en d'interminables arpèges décousues. Fantastique montée aux tréfonds de l'âme. Frémissement et délectation. Des images me viennent. Ces flocons qui dansent à la fenêtre, contre les quelques gouttes de givre chaud, me hantent lorsque le feu s'éteint et que les cœurs sont à nu. Et cette flamme dans tes yeux, qui me consume hors du temps, même lorsque les notes se sont endormies sur ces meubles poussiéreux. Les lettres s'entassent et ton cœur déborde. Il s'épand et se répand sur cette feuille jaune, entre le verre de vin et les essais rayés. Le hautbois s'affirme à nouveau. Tu t'écroules.
    Minuit, neuf minutes et cinq secondes. On tourne la page. La plume ébouriffée retourne à l'encrier pour quelque éphémère instant. Une marche militaire, dans l'air vacillant de la maladie. A moins que ce n'en soit pas une. Ton mal-être grandit et te dévore peu à peu l'esprit, sans jamais que les mots ne te quittent. Et les mots s'associent à cette angoisse musicale. Les lettres continuent de s'entasser. Les adressent commencent doucement à s'effacer, sur le piano sommeillant. Les fières trompettes s'élancent, sveltes et fringantes, dans ton esprit détraqué. Les pizzicati s'enchaînent et se déchaînent, fulgurant appel à l'aide, caché par ces notes guillerettes. L'anonyme s'endort, sans reconnaître l'auteur. Il n'y a que façade et faux semblants. Tes yeux fous et exorbités dansent, sans fin, mais l'autre ne fait que passer. N'oublie pas le parfum de ces passants innommés, de ces silhouettes effarouchées et de ces ombres arrachées. C'est un rêve, ami abandonné. Une sorte de songe sans échappatoire qui te ronge. Les confidentes se défilent, et les heures passent. La page s'emplit d'accords triomphants et de bariolages intempestifs. Une sorte de bal auquel les notes se pressent, se cognent et se démangent, sans jamais pourtant se déranger. C'est étrange comme tu assembles les morceaux de ta toile inachevée pour mieux rendre à ce paysage morne ces quelques éclats volés.
    Allegro Con Fuoco. Les hommes en uniformes s'avancent et t'étreignent. La foule lance des fleurs, et les tambours marquent la cadence avec ferveur. Les enfants courent dans les rues aux myriades multicolores, alors que les femmes chantent quelques poèmes. L'eau et le vin se mêlent, le pain se brise et les ventres s'emplissent dans un joyeux tintamarre. Mais toi, mon poète maudit de mots trop différents, tu continues de traîner ta frêle carcasse dans le sillage de ces corps. Indifférence et dégoût, peut-être. Tes mains tremblent encore un peu, même si les frayeurs de la nuit se sont glissées en dehors de ta chambre moite et tiède. Ce monde n'est pas le tien. Ni le mien, de ce fait. Tu m'y as entraînée, taciturne compagnie. Je suis attachée à ton corps sans forme, à ton âme sans loi, à tes souvenirs sans couleur. Ce n'est qu'un jeu que tu m'imposes, celui de me briser contre tes propres peurs. Je m'y prends. Les violons tanguent, les basses vacillent, et l'orchestre trébuche. Les doutes m'assaillent aussi violemment que la pluie me ramène à moi.


    Il est presque une heure. La nuit enroule autour de ses fragiles épaules un délicat châle étoilé. La musique tourne toujours autour de moi. Les feuillets se sont échappés de mes mains assoupies, et se sont éparpillés sur le sol veiné. La bougie s'est éteinte. Et dans cette obscurité pantelante, je cherche encore ta présence emprunte de nostalgie. Il y a encore un parfum de mélancolie tragique, à mon poignet, et une sorte d'amertume dramatique sur mes lèvres sèches. Ce nom qui résonne et s'accorde sans diapason à mon oreille gauche. Entre T et I. Selon les appellations. Celles de mon cœur épris.


Mardi 16 octobre 2007 à 13:38

Et une envie de couler.

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