Lundi 28 juillet 2008 à 11:44

Des morts. Voilà ce que je vois quand j'observe notre belle planète. Des morts par milliers, sacrifiés sur l'autel de la nation, de la religion, de l'ethnie, que sais-je encore ? Des morts, voilà tout. Ils vous regardent, le visage encore plein de cette volonté d'être, la bouche ouverte sur une silencieuse supplication. Leurs mains froides s'accrochent un peu sur le corps d'un autre qui ne répond plus. Tous morts, tous morts.

Alors, le cœur serré, je vais faire mon deuil. Celui de toute une humanité gangrénée par le désir de pouvoir et de puissance. Je panse les blessures glacées des corps abandonnés pour leur donner un semblant de dignité après un dernier repos. Je ferme les yeux, croise les bras, ferme les plaies. Je suis patiente, oui. Chaque corps passe entre mes mains. Essuyer, recoudre, enterrer. Quelque soit le culte, j'applique mes mains et mon savoir. Je soigne les âmes trépassées. Peut-être n'est-ce que pour rassurer cette conscience meurtrie, tentant de me persuader que ce n'est pas moi, la fautive, la responsable de ce carnage.

Appartenance. Peut-être est-ce lui, le mot maudit. Celui qui arme les bras, celui qui brûle les esprits. Peut-être est-ce lui, la lance et le couteau, le thermique, le nucléaire. Peut-être est-elle là, la source de toute cette boucherie, sanglante tragédie ? Appartenance comme croix de guerre, bannière sous laquelle se rassemble la haine. Et chacun tue son prochain pour une parcelle de terrain, pour l'amour d'une divinité, pour le nom d'une patrie. Tuer, tuer, exterminer, jusqu'à n'être plus que le seul en droit, le seul en raison. Chevaliers de l'apocalypse sur destrier de croyance, messie d'une vision amputée de l'humanité. Il n'y a plus de différence, non, il n'y a plus que de l'hérésie. Des sous- hommes s'amassent sur le pavé de l'intolérance, encore et encore. Tuerie absurde.

Et je panse toujours les plaies de ceux qui sont décédés. J'apaise les cœurs encore brûlants sous les chairs inertes, d'un peu d'amour, d'un soupçon de tendresse. Mais ils sont morts, et les guerriers de la Catastrophe sont bien loin de mes mains-pardon. Ainsi soit-il, alors, mes enfants, de notre Histoire. Ainsi soit-il de notre Identité. Ainsi soit-il de l'Homme.

Mardi 8 juillet 2008 à 1:09

Y a des hommes qui dorment sous les ponts, là.

 

Le monde, ce n'est plus qu'une petite carte. On y inscrit les îles à conquérir de béton armé, d'appareil photos mitraillette. Chaque centimètre doit être rentabilisé selon logique de marché, avec dérivées et probabilités en main. Chaque molécule O2 doit être changée en CO2, en N, ou je ne sais quelle lettre tirée de cet alphabet maladif. Et puis construire. Ah, ça, c'est votre libido, n'est-ce pas ? Arracher la virginité, la remplacer par la repoussante hideur de votre imagination. Verre, acier et contre-plaqué vous renvoient des reflets sanguinaires au soleil couchant. Mondialisation, mondialisation.

 

Et y a toujours des hommes qui dorment sous les ponts.

 

Les usines implosent. Les mains des enfants courent sur les perles à broder sur les cols retournés et sur les ourlets des vestons retravaillés. Les regards des femmes exténuées parcourent les fleuves de tissu, sur le bord de la machine qui crache ses dernières heures. Les hommes s'échinent sur des plaques d'un métal inoxydable, les mains nues, le corps écorché, à monter ces monstres technologiques pour les hommes à la peau douce. Ca sue, ça tousse, ça grince, ça peine. Ca meurt, même, mais qu'y peut-on ? Mondialisation, mondialisation.

 

Toujours, toujours les hommes qui dorment sous les ponts.

 

Les taudis, sur le fil de la route. Les cartons qui s'entassent sous la pluie qui s'abat, violence conjuguée des pollutions grisonnantes de la ville qui s'étouffe dans sa propre fange. Il n'y a pas de rire, pas de chant. Il y a les corps agglutinés de ceux qui triment. Et loin, loin, loin, là où l'on mange chaud quarante deux fois la quinzaine, entre vaisselle brillante et blancheur irritante d'un mur presque trop propre, ça jette l'or par la fenêtre, sous prétexte que. Que quoi ? Que ça ne vaut pas grand-chose, il vaut mieux être heureux, n'est-ce pas ?

Les enfants dans les jardins des délocalisations, les ombres anthropomorphiques dans les déchetteries de l'humanité. Et l'amour, quelque part, comme dernier recours. Sauf que nous n'en avons pas le même usage. Mondialisation, mondialisation.

 

Et puis il y a toujours ces hommes qui dorment sous les ponts. Mais on les oublierait presque, on dirait.

Samedi 28 juin 2008 à 13:31


Coquelicot, ombre sur son visage aux mille rousseurs.
C'est la pâleur tendre des premiers amours qui se reflètent dans un regard de brume. Enfance douce, sur la grève brisée d'une mère agonisante.
« Maman, maman », crie le bambin troublé. Mais maman ne répond plus, les yeux voilés sur un monde qui ne nous appartient pas. Larmes et vagues, sur ce visage d'ange-innocence. Les fleurs aux doux pétales d'amour se fanent lentement dans l'or brillant de la plaine aride. Quelques grillons, dans un chant perdu, langoureuse mélopée ou fado éclipsé. Voilà la fin de l'été, sur ces pommettes humides, alors que doucement la terre se referme sur la plaie béante. Ô, doux enfantillages étiolés sur le sable aride d'une mort-chagrin. Les cloches matines s'éveillent lentement sur une indicible aube, et pourtant.
Coquelicot, secret sur les grains de beauté d'un cœur fragilisé.
Les bras se referment sur cette candeur entachée, dans une étreinte désespérée d'amour disparu. Mais les cheveux fous dansent toujours dans la brûlure du jour, soleil acéré d'une canicule entamée. Roux, roux, roux, et ses yeux d'un bleu-infinitude qui se jettent dans l'abattement silencieux de l'orage endormi. Regard-fraîcheur sur langueur-douleur.
Coquelicot, chaste quintessence sur rêves oubliés.


Le chant des cigales sur la peau parfumée d'une brise caressante. Les yeux se ferment sur quelque souvenir moins sombre. Un sourire, chansonnette, sur les joues rosées. Et les coquelicots silencieux, comme espoir vierge, dans la chevelure de blé.


Vendredi 20 juin 2008 à 11:45

NB: Décision prise de décomposer la masse informe qu'était mon blog pour créer des catégories de textes. Les tableaux vous décrivent les sensations vocabulaires de l'imagination, les livres vous racontent une histoire, et les jeux vous feront sourire. Et ceci est un jeu.

Ecoute, je comprends que tu en aies eu envie, mais là, tout de même. Et puis ce n'est pas franchement délicat de ta part de m'avoir choisie. Eh ben oui, tu ne fais que me rappeler que je suis une vieille fille d'une quarantaine d'années, toujours seule, n'intéressant personne. Bah, je ne t'en veux pas pour ça. Après tout, tu n'es pas le seul à me le faire remarquer. Mais tout de même, il y a des limites. Je ne parle pas que pour moi, vois-tu, mais aussi du fait que voilà, j'ai un certain âge, maintenant, et que ce n'est pas conseillé de tomber enceinte passé quarante ans. Entre les malformations, les risques pour moi,… Tu me suis ? Oui ? Je pensais que tu étais au courant, monsieur je-sais-tout, mais on dirait pas. Cet enfant, là, au fond de mon ventre, ce n'est pas le moment. Je suis trop âgée. J'ai déjà passé la crise, tu sais, celle qui te fait dire que tu n'es plus bonne à rien et que t'es vieille comme jamais. Passé, le début des rides. Et puis je ne suis plus intéressée par les vergetures post-accouchement. Mais non, tu n'en as fait qu'à ta tête. Et maintenant quoi ? Maintenant je suis enceinte. Espèce d'égoïste, doublé d'un lâche. Pourquoi ? Parce que maintenant qu'il est là, le petit, ben tu t'es barré. Comme tous ces hommes, d'ailleurs. Les statistiques le montrent, de plus en plus de femmes sont abandonnées par leur conjoint lorsqu'elles tombent enceintes. C'est aberrant. C'est dégueulasse. Et tu sais, c'est par parce que tu te sens supérieur à tous et que tu es idolâtré qu'il faut croire qu'on te pardonnera toujours tout. La preuve, je t'en voudrai. Voilà, c'est dit. Et je m'en fiche pas mal des « Chut, arrête, il t'entend ! » parce que je sais bien que tu n'écoutes que ce qui t'arrange. Ca fait des siècles que c'est comme ça, tu ne peux pas le nier. Tu lances un petit signe, de temps en temps, histoire qu'on ne t'oublie pas et que les gens continuent d'avoir des espoirs décrépis, et puis tu disparais. Moi, j'ai rien demandé. Je demandais qu'à m'enfoncer dans ma vieillesse solitaire, tranquillement, parce que passé cette période, ben tu te fais une raison. Mais non, fallait que tu t'en mêles. C'est fou ça ! En plus, ça va être toute une histoire. Ca va remettre au goût du jour la vieille querelle toujours pas entérinée du « Ce fils est LE légitime, les vôtres sont des bâtards ! ». Après tout, c'est ça, de faire des enfants un peu partout. Au moins quatre ou cinq femmes officielles, sans parler des pseudo-amourettes sur le bord d'une route. Peuh. Et maintenant, qu'est-ce que ça va être ? Le bordel. La haine. La guerre. Des morts par milliers, aussi. Mais ça, tu t'en fous. Parce qu'après tous, les hommes, c'est comme tout autre troupeau, de temps en temps, il faut épurer un peu pour que ça prolifère pas trop. Bien joué.

Je m'appelle Marie, j'ai la quarantaine. Je suis vierge et pourtant enceinte. Je n'ai jamais rien demandé, mais Dieu trouve qu'il faut un nouveau messie, parce qu'il s'ennuie, de là-haut, depuis qu'entre catholiques et juifs on a fait la paix. Ou presque. Sauf que de son trône doré, il avait oublié l'invention merveilleuse de ce siècle béni : l'avortement. Eh ouais, il n'avait pas prévu ça.



Dimanche 15 juin 2008 à 22:25


CA NE SERT A RIEN.


Peut-être qu'il faudra tout changer. De A à Z. Repenser le style et le destinataire. Et garder capricieusement, égoïstement, mais un peu tristement tout ce qui tourne autour de nous-mêmes. Mes tableaux s'enfonceront dans l'orgueil abîmé de ces auteurs pseudo-incompris et je sourirai, dans quelques temps, de la naïve détresse de mes jours anciens.
Du moins je l'espère.


Edit: Peut-être qu'il suffit de tout repenser ? De continuer, mais de ranger différemment. Et alors, peut-être, les choses auront un pseudo sens ?

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