Mais voilà, les choses ne vont jamais comme elles le devraient. Il y a toujours ce petit détail pour vous faire trébucher. Pour vous montrer la non-cohérence de votre démarche. Et ce coeur qui bat, qui bat. Et qui ressent le besoin de vous rappeler l'essentiel. Les yeux clos, la bouche serrée, la gorge sèche, assis sur une chaise au dossier trop droit, on sent ses mains qui tremblent. On ne sait plus que faire, après tout. Une larme, puis deux qui ruissellent le long d'une joue ramolie. Un morceau qui se détache et se brise mollement sur le carrelage brillant. Une odeur d'enfermement. Les mains contre cette face qui se décolle, on pousse un cri plaintif, une sorte de râle-mourir, avec Apollinaire. Mais les vers virvoletants ne sèchent pas la vague destructrice. Il ne reste bientôt plus rien. La cire a coulé, avec l'acidité de la peine. On contemple, consterné, les débris sans forme qui traînent sur le rebord de la chaise. Quelques bouts volés à l'existence, pour mieux dévoiler l'absence. Et se découvre alors le visage. Un amassis de souvenirs rapiécés et de rêves écrasés. Des rides, sur le front, au creux des lèvres. Et ce regard... Vide. Sans vie. Sans expression. Froid. Terrifiant, quelque part. Face à la glace, on se pétrifie. Le pouls se tait. On s'observe juste, les yeux dans les yeux. Mélancolie et Nostalgie valsent lentement, enveloppées de noir. Une marche funèbre, sous leurs jupes de satin. Les joues s'inondent et la rationnalité disparaît. "Me voilà." On se voit, tel qu'on est, sans ce maquillage farfelu. Sans ces artifices colorés. Noir et blanc. Un peu de gris, sous les yeux. Une ombre légère, comme crayonnée, sur un visage craquelé. La tête penchée sur le côté, on soupire. Lassitude ou abandon, la volonté n'est plus au rendez-vous. On fait passer des mains froides sur des paupières brûlantes, vapeur sans odeur. On se mord la lèvre, jusqu'au sang. Une trace noire s'ajoute aux autres, pour ne faire qu'une longue broderie d'angoisse sur un sourire estropié.
Vois ton vrai visage, maintenant. Vois le teint blafard et les yeux fous. Vois la réalité. Ta réalité. Observe ta propre laideur et notes-en les traits caractéristiques. Ne tente pas de cacher ces défauts qui te défigurent, il est trop tard désormais. Alors que la lumière crue de la lune t'embrassait, tu tressailles dans ta fine chemise de soie. Rien ne cache ces traits faméliques, cet air soumis. Personne ne te reconnaîtrait, avoue-le. Ta pupille ne te rend qu'une reflet assombri d'un corps oublié. Face à cette surface argentée, ton coeur se referme et ton esprit grandit. Observe attentivement cet amas de jalousie, cet amoncellement d'égoïsme, ces noirâtres traces d'égocentrisme. Effleure la masse invisible de ton inconscience. Sens-tu le courant gelé qui y court ?, la froideur d'un coeur endormi. Alors ton intime se met à rire, à gorge déployée. Comme un cri sardonique qui déchire le ciel griffé. Comme une claque violente, lorsque l'orage éclate et giffle la terre de ses serres acérées. Un frisson, dans ton dos, qui t'arrache un gémissement. Ta peau s'hérisse et ton coeur palpite. As-tu honte ? As-tu peur ? As-tu horreur ? Les ongles se déplacent sur le verre poli, dans un affreux crissement. Tes dents se serrent jusqu'à se briser. Alors tu te jettes contre la froidure du sol. Une pointe s'enfonce dans ta poitrine, te faisant suffoquer.Tu as très certainement compris. Larmes de colère ou murmure de honte ? Tu marmones quelques mots, la langue ouverte, les lèvres coupées, le coeur exsangue. Il n'y a plus d'espoir, pas même une trompeuse esquisse. Il n'y a plus rien, entre ton visage torturé et le cruel miroir. Observe. Et comprend. N'attend pas d'aide, elle ne viendra pas. La solitude est ta seule amie, désormais. Offre lui tes confidences et tes émotions. Et trouve-toi, sans masque.
Et ce dernier gît, contre le carrelage incolore, entre noir et blanc. Avec peut-être un peu de gris. Qui sait ?
La cire a fondu, les aspérités ont disparu. Il ne reste rien. Rien d'autre que le sinistre souvenir de cette fausse identité.
Sauras-tu trouver la vraie ?
La cire a fondu, les aspérités ont disparu. Il ne reste rien. Rien d'autre que le sinistre souvenir de cette fausse identité.
Sauras-tu trouver la vraie ?